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Contre proposition d’instrument additionnel des pays du Mercosur

Mathilde Dupré & Stéphanie Kpenou, 19 septembre 2023

Après des mois d’attente, les pays du Mercosur ont envoyé leur réponse à la proposition d’instrument additionnel sur le commerce et le développement durable mise sur la table par la Commission européenne en mars 2023, en vue de la ratification d’un accord d’association entre les deux régions. Le contenu de cette contre proposition n’est pas public mais a été évoqué dans les pages du média brésilien valor globo (voir la traduction en français ci-dessous).

Si la proposition européenne initiale n’était déjà pas de nature à garantir le respect des trois lignes rouges exprimées en 2020 par le Gouvernement français (1), force est de constater que la réponse des pays du Mercosur est encore en deçà. Elle va même directement à l’encontre des objectifs affichés par l’UE en matière de politique commerciale et plus largement de transition écologique.

  • 1) En rejetant tout mécanisme de sanctions, la contre-proposition du Mercosur va à l’encontre de la nouvelle stratégie européenne de l’UE en matière d’accords commerciaux.
  • 2) La proposition du Mercosur attaque par ailleurs directement les mesures environnementales européennes prises dans le contexte du Pacte vert, notamment le règlement contre la déforestation importée ou celui sur les résidus de néonicotinoïdes dans les produits importés. En proposant d’intégrer un mécanisme pour rééquilibrer les concessions commerciales lorsque ces dernières sont réduites de facto du fait des réglementations environnementales ou sanitaires européennes, la proposition du Mercosur aboutit tout simplement à rendre impossible l’adoption de mesures miroirs effectives à l’échelle européenne.

C’est pourquoi il appartient au Gouvernement français et aux autres Etats membres de clarifier leur position et de faire savoir que l’instrument additionnel en discussion ne peut résoudre les défis posés par le contenu de l’accord d’association lui-même et prévenir les risques sanitaires et environnementaux confirmés par les experts nommés par le Gouvernement en 2020.

Contre proposition des pays du Mercosur :

Nous nous référons au projet d’instrument conjoint présenté par l’Union européenne (UE) en mars 2023. Le MERCOSUR et ses États parties réaffirment les engagements adoptés au titre du chapitre sur le commerce et le développement durable, déjà convenus dans le cadre de l’accord d’association entre les deux régions (AA).

Le MERCOSUR et ses États parties estiment qu’ils sont particulièrement bien placés, aux côtés de l’Union européenne et de ses États membres, pour donner l’exemple en matière d’intégration du commerce et du développement durable, dans la mesure où cette intégration se fait dans un esprit de collaboration.

Le MERCOSUR et ses États parties sont prêts à œuvrer en faveur d’une finalisation rapide de la négociation de l’AA avec l’Union européenne. Pour atteindre cet objectif :

  • Nous devrions viser à développer le texte négocié en 2019, dans le contexte des nouvelles circonstances de l’économie mondiale et de la valeur stratégique de cet accord.
  • Nous sommes disposés à négocier un instrument conjoint sur le commerce et le développement durable, en tenant compte de la législation nationale des parties et à la lumière des différentes situations nationales. Cet instrument devrait contribuer à renforcer le développement durable dans ses dimensions sociales, économiques et environnementales. Aucune sanction (ou même allusion à l’application de sanctions) ne doit figurer dans le document et les parties évitent d’utiliser les mesures visant à réaliser le développement durable comme un obstacle injustifié ou inutile au commerce. L’instrument doit être basé sur une approche coopérative.
  • Étant donné que l’AA est négocié dans un contexte de combinaison sans précédent de défis - changement climatique, insécurité alimentaire, urgence sanitaire, tensions géopolitiques et inégalités persistantes au sein des pays et entre eux -, l’AA devrait préserver la capacité des États à mettre en place des politiques publiques concernant, entre autres, (i) la santé publique ; (ii) la science, la technologie et l’innovation ; (iii) les chaînes de valeur interrégionales durables, sûres et résilientes dans la transition énergétique, la mobilité durable et la numérisation ; et (iv) l’action pour le climat et la sécurité alimentaire.
  • L’AA devrait prévoir des activités de coopération - y compris le financement nécessaire - en vue, notamment, (i) de renforcer les capacités permettant aux secteurs vulnérables de tirer parti des avantages de l’accord ; (ii) d’aider les producteurs et les exportateurs désireux de se conformer aux exigences en matière d’importation ; et (iii) de promouvoir des initiatives de production durable, conformément à la législation nationale. L’accord devrait être un outil précieux pour promouvoir l’intégration de chaînes de valeur durables.
  • L’AA devrait être doté d’un mécanisme permettant de rééquilibrer les concessions commerciales négociées dans le cadre de l’AA si ces concessions sont suspendues ou annulées en raison de la législation nationale de l’UE.
    Le MERCOSUR et ses États parties estiment que la conclusion rapide des négociations sur l’accord d’association constituerait une contribution sans équivoque à la résolution des problèmes susmentionnés et enverrait à la communauté internationale un signal fort d’unité et de collaboration entre deux régions du monde qui partagent les mêmes valeurs.

Notes :
(1) La France a posé en 2019 trois lignes rouges très claires pour une éventuelle ratification de l’Accord UE/Mercosur :

  • Que les politiques publiques des pays du Mercosur soient conformes avec leurs engagements au titre de l’accord de Paris ;
  • Que l’accord n’entraîne pas une augmentation de la déforestation importée au sein de l’UE ;
  • Que les produits agricoles et agroalimentaires importés bénéficiant d’un accès préférentiel au marché de l’UE respectent les normes sanitaires et environnementales de l’UE.

Mais depuis quelques mois, nous avons observé une réécriture de ces trois conditions, avec un certain affaiblissement. Ainsi, lors de son audition à l’Assemblée Nationale le 21 juin dernier, la Secrétaire d’État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux a en effet listé les conditions suivantes, confirmées ensuite par le Ministre du commerce :

  • que l’accord de Paris devienne un élément essentiel de l’accord de commerce
  • que l’accord soit aligné avec la nouvelle approche de la Commission sur les chapitres développement durable (possibilité de mettre des sanctions en cas de non respect)
  • qu’un programme de travail ambitieux en matière de mesures miroirs soit mis sur pied dans l’UE en parallèle de la ratification de l’accord.

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