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Avec ou sans Bolsonaro, c’est non ! La FNH et l’Institut Veblen ont analysé l’accord de commerce UE-Mercosur

Mathilde Dupré, 19 novembre 2019

Alors que la Commission d’évaluation du projet d’accord entre l’Union Européenne et le MERCOSUR se prépare à rendre ses conclusions, l’Institut Veblen et la FNH ont aussi analysé la trentaine de chapitres rendue publique. Verdict : la France doit demander l’abandon immédiat de l’accord en cours de finalisation. La position de la France (aujourd’hui soutenue par le Luxembourg, la Belgique, l’Autriche et l’Irlande) de bloquer en l’état, l’avancée de la ratification de l’accord en réponse à la politique menée par Jair Bolsonaro est certes une bonne nouvelle. Mais l’examen approfondi des textes publiés révèle que les dispositions mêmes du traité aggraveront encore davantage le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité. En d’autres termes, même en cas de départ de l’actuel président brésilien, il serait irresponsable de signer un tel texte au moment où tous les indicateurs environnementaux sont au rouge.

Un accord perdant-perdant

L’ACCORD UE – MERCOSUR SUPPRIMERAIT PLUS DE 91% DES DROITS DE DOUANES SUR LES ECHANGES ENTRE LES DEUX ZONES

Les négociations entre l’Union européenne et les Etats du Mercosur (aujourd’hui Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) ont été initiées en 1999 et ont débouché sur un accord de principe présenté par la Commission européenne le 28 juin 2019 comme « le principal accord commercial jamais conclu par l’UE ». Cet accord, qui doit encore être ratifié par l’UE et les Etats du Mercosur avant d’entrer en vigueur, supprimerait plus de 91% des droits de douanes sur les échanges entre les deux zones.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE SACRIFIÉE ET DES RISQUES SANITAIRES ACCRUS

La libéralisation des échanges agricoles prévue par l’accord est très poussée puisque les nouveaux contingents tarifaires à droits nuls ou réduits octroyés par l’UE au Mercosur portent sur des volumes significatifs : 99.000 tonnes pour la viande bovine, 180.000 tonnes pour la viande de volaille, 650.000 tonnes pour l’éthanol. En comparaison, le CETA prévoit des contingents deux fois moins importants pour la viande bovine et exclut la viande de volaille. Le soja bénéficie aussi de la libéralisation via la suppression des droits à l’exportation (ou à minima leur réduction).

Pour faciliter les échanges, l’accord limite les possibilités de contrôle, quitte à reléguer la sécurité sanitaire au second plan. Par exemple, l’accord exclut la possibilité d’inspection physique d’établissements individuels, ce qui peut surprendre dans un contexte de scandales sanitaires récents au Brésil (notamment l’affaire « Carne Fraca » ou « viande avariée » en 2017) ayant mis en lumière un système de contrôle sanitaire défaillant et corrompu.

LE CLIMAT ET LA BIODIVERSITÉ COMPLÈTEMENT OUBLIÉS

• L’impact environnemental de l’accord risque d’être majeur.
En effet, alors que le Mercosur représente déjà plus de 70% des importations européenne de viande bovine et 50% de celles de viande de volaille, l’accord entraînera une forte augmentation des exportations agricoles du Mercosur vers l’UE (par exemple de l’ordre de 54% à 78% pour la viande bovine selon les pays, ou de 13,1% pour les produits du bois et du papier issus du Brésil, selon l’étude d’impact de 2019).

Cette augmentation des exportations devrait entraîner une hausse de la production agricole dans le Mercosur, qui, en l’absence de mesure préventive, est susceptible d’avoir des conséquences dramatiques sur la déforestation, les émissions de gaz à effet de serre et l’utilisation de produits phytosanitaires. C’est pourquoi une première étude d’impact conduite en 2009 avait préconisé que « l’ouverture de contingents sur les produits sensibles d’un point de vue environnemental/ biodiversité soit conditionné au respect d’une série de critères de durabilité ». Mais cette préconisation n’a pas été suivie d’effet.

Quant au chapitre « Commerce et Développement Durable », il reste non contraignant contrairement aux engagements pris par la France dans le plan d’action CETA.
Les engagements contenus dans ce chapitre, notamment en matière de déforestation, biodiversité, climat et responsabilité sociale des entreprises sont vagues et ne vont pas au-delà des engagements déjà pris par les Etats dans d’autres accords internationaux. Ainsi, si un Etat décidait de quitter l’Accord de Paris, rien ne pourrait être fait pour sanctionner cet Etat si ce n’est de demander à un groupe d’experts de le constater dans un rapport qui serait rendu public.

LES NORMES EUROPÉENNES EN DANGER

Les règles du commerce mondial sont ainsi faites que les normes applicables aux denrées agricoles produites dans l’UE ne s’appliquent pas aux denrées importées vers l’UE. Et contrairement à ce que peuvent laisser entendre la Commission ou le gouvernement français, l’accord encourage les échanges sans rien changer à cet état de fait. Pesticides interdits dans l’UE, bien-être animal, antibiotiques utilisés comme activateurs de croissance, aucune disposition ne figure dans l’accord pour faire respecter les règles exigées par le consommateur européen et auxquelles sont soumis les agriculteurs européens.

Contacts :
Mathilde Dupré – Institut Veblen – 06 77 70 49 55
Samuel Leré – Fondation Nicolas Hulot – 06 87 41 16 03

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