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Bientôt la fin de l’ISDS en Europe ?

Mathilde Dupré, 6 mars 2018

Selon la Cour de justice de l’Union Européenne, la clause d’arbitrage entre investisseurs et Etats incluse dans le traité bilatéral d’investissement (TBI) entre les Pays Bas et la Slovaquie n’est pas compatible avec le droit de l’Union.

Cette décision clôt un long feuilleton judiciaire. En 2008, la Slovaquie avait été attaquée par un groupe d’assurances néerlandais suite à sa décision en 2006 de ne pas poursuivre dans le sens de la libéralisation du marché de l’assurance maladie initiée en 2004. Le tribunal arbitral avait condamné la Slovaquie à verser environ 22,1 millions d’euros de dommages et intérêts. La Slovaquie avait par la suite contesté cette décision devant les juridictions allemandes, saisies par l’investisseur néerlandais pour exécuter la sentence, en invoquant l’incompatibilité de la clause d’arbitrage avec plusieurs dispositions du traité sur le Fonctionnement de l’UE. La Cour Fédérale de Justice allemande s’était alors tournée vers la CJUE pour l’interroger.

La CJUE considère que le « mécanisme de résolution des différends (..) n’est pas apte à assurer que les litiges (...) seront tranchés par une juridiction relevant du système juridictionnel de l’Union, étant entendu que seule une telle juridiction est à même de garantir la plein efficacité du droit de l’Union ». Par conséquent, « la Cour conclut que la clause d’arbitrage contenue dans le TBI porte atteinte à l’autonomie du droit de l’Union  ».

Dans cette affaire, la France, à l’instar de l’Allemagne, des Pays Bas, de l’Autriche et de la Finlande, avait défendu la validité du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (ISDS). Or, non seulement ce mécanisme, très controversé, constitue un privilège dangereux accordé aux seuls investisseurs étrangers pour remettre en cause des règles définies démocratiquement mais il s’avère aujourd’hui également illégal.

Si elle est difficile à anticiper avec précision, la portée de la décision rendue par la CJUE pourrait être extrêmement large et porter un coup d’arrêt à l’arbitrage d’investissement en Europe, alors même que l’Union européenne, avec le soutien plein et entier de la France, comptait étendre ce type de dispositif de protection des investisseur à l’ensemble de ses relations commerciales.

Cette décision pourrait pour commencer signifier la fin des 196 traités bilatéraux d’investissement intra européens, dotés de clauses similaires. Les États membres devraient en effet sans attendre mettre fin à tous leurs traités d’investissements contenant des clauses d’arbitrage. Elle pourrait également obliger l’Union à se retirer du Traité sur la Charte de l’Énergie, utilisé à de nombreuses reprises y compris pour les contentieux emblématiques de Vattenfall contre l’Allemagne. Elle pourrait enfin peser dans le cadre de la saisine de la CJUE par la Belgique visant le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (ICS) introduit dans le CETA.

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