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Du développement durable à l’économie d’état stationnaire

Quel rôle pour la macroéconomie dans la transition sociale et écologique ?

Par Wojtek Kalinowski

1er janvier 2012

Herman Daly a observé il y a déjà fort longtemps, dans l’introduction à son ouvrage classique Steady-State Economy (1977), toute la faiblesse d’une science économique qui peine à reconnaître que certains problèmes d’économie politique ne possèdent aucune solution d’ordre technique ou scientifique, mais bel et bien une solution d’ordre moral. Le terme de « développement durable » pointe un tel problème, ou plutôt tout un nœud de problèmes imbriqués les uns dans les autres, quels que soient nos efforts pour broyer la question dans le jargon mathématique. « Si le paradigme sous-jacent et les valeurs qui le sous-tendent ne changent pas, affirme Daly, aucune habileté technique ni intelligence manipulatrice ne pourra résoudre nos problèmes ; en réalité elles vont encore les aggraver ».
Avouons que c’est à la fois du bon sens et une position radicale qui, sans nous dispenser des efforts théoriques ni des exercices chiffrés, nous invite néanmoins à nous départir des faux espoirs de pouvoir confier toute la question au vieux couple « expert – politique », le premier livrant au second, clefs en mains, les politiques publiques à conduire. C’est déstabilisant pour les deux, tant ils se sont habitués l’un à l’autre, mais un changement systémique ne se décrète pas ; or, si la transition social écologique veut dire quelque chose, c’est bien une transformation sociale profonde, celle des rapports sociaux, des valeurs et des habitudes de la vie quotidienne, à un degré qui pourrait surprendre les tenants de la « croissance verte ».
Ce mot de précaution vaut également pour les efforts visant à construire une macroéconomie de la durabilité : il ne s’agit là que qu’expliciter nos choix collectifs en les projetant dans le temps et à l’échelle « macro », tout le travail politique pour les voir réalisés reste encore à accomplir. A titre d’exemple, à supposer même que nous arrivions un jour à mesurer les flux de matière et d’énergie incorporés dans les produits et services, et cela tout au long de la chaîne de valeur jusqu’au recyclage – au lieu de nous satis-faire des données brutes de consommation domestique et d’importations –, une telle comptabilité des flux de matière-énergie ne serait qu’un outil : la vraie question serait de savoir si nous savons s’en servir.

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