L’inclusion de l’Accord de Paris dans le CETA compromise

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Paris souhaite faire du respect de l’Accord de Paris sur le climat une condition sine qua non à la signature d’accords commerciaux européens. Un dossier sur lequel la France peine à faire avancer les Vingt-Sept.

Lier l’application des accords commerciaux européens à celui de l’accord de Paris sur le climat. L’idée défendue par Emmanuel Macron peine à trouver des soutiens au niveau européen. Et plus d’un an après l’entrée en vigueur de l’accord commercial entre l’Union européenne et le Canada, le dossier semble en panne à Bruxelles.

« Le gouvernement s’est fixé que le non-respect de l’accord de Paris sur le climat puisse justifier une suspension de l’accord commercial, ou un recours à l’arbitrage », a rappelé Sandrine Gaudin, la secrétaire générale des affaires européennes (SGAE) lors d’une audition à l’Assemblée nationale le 4 octobre.

En octobre 2017, le gouvernement avait  adopté un plan d’action visant à répondre aux nombreuses  craintes suscitées par l’entrée en vigueur du CETA, notamment sur le plan des normes sociales et environnementales.

Mais un an plus tard, les avancées concrètes sont encore timides. Et les pays européens réticents. « Nous avons encore une majorité de nos partenaires européens qui restent réticents à lier politique commerciale et politique climatique », a reconnu Sandrine Gaudin.

Si les discussions se poursuivent à Bruxelles sur le sujet, la marge de manœuvre de Paris est réduite, puisque la négociation d’accords commerciaux est l’apanage de Bruxelles. « Par contre, la Commission européenne est réceptive sur le sujet », a rappelé la secrétaire générale.

Outre le CETA, les autres accords commerciaux en cours de négociation devraient aussi compter l’inclusion de l’obligation de respecter l’Accord de Paris sur le climat. Mais en pratique, ni l’accord entre l’UE et Singapour ou encore celui avec le Mercosur ne font mention du caractère contraignant de l’accord de Paris.

« C’est un sujet difficile à Bruxelles de faire en sorte que les accords commerciaux participent de manière effective au relèvement des standards sociaux et environnementaux. Nous peinons à convaincre sur le caractère contraignant des chapitres sur le développement durable », a reconnu Sandrine Gaudin.

Veto climatique

« Nous travaillions intensément avec le Canada sur ce qu’on appelle le veto climatique, c’est-à-dire le mécanisme d’interprétation conjoint contraignant qui permettra d’apporter une garantie supplémentaire de notre droit à réguler », a-t-elle expliqué. «  Mais les discussions au Conseil risquent d’être difficiles. »

La France rêve d'introduire un veto climatique au CETA

Le gouvernement a présenté le 25 octobre un plan d’action sur les enjeux sanitaires et environnementaux du CETA. Mais les propositions françaises ne peuvent s’appliquer qu’avec l’accord de l’UE et du Canada.

L’idée d’un veto climatique, notamment défendue par l’ancien ministre de la Transition énergétique, Nicolas Hulot, devait garantir que les réglementations destinées à lutter contre le changement climatique ne puissent être contestées par les investisseurs devant le tribunal d’arbitrage créé par le CETA.

Un garde-fou supplémentaire que la France tente de défendre auprès des autres pays européens. « Nous souhaitons adopter ce mécanisme début 2019, pour sanctuariser les législations environnementales, avant l’entrée en vigueur du tribunal d’investissement », a affirmé la secrétaire générale.

Cette protection additionnelle devrait couvrir les législations environnementales, mais aussi celles touchant à la santé publique, à la protection sociale et à la promotion de la diversité culturelle. « Sur ce sujet, le Canada est aussi demandeur que nous de garantir son droit à légiférer », a réaffirmé Sandrine Gaudin.

Mais pour la société civile, les avancées sont clairement insuffisantes. « Force est de constater qu’un an plus tard, aucun des engagements clés pris dans le plan d’action CETA annoncé par le gouvernement n’a été tenu. En effet, on ne trouve ni veto climatique ni chapitre développement durable contraignant dans le CETA, pas plus que dans ses clones : le JEFTA, l’accord avec le Mercosur ou celui avec l’Indonésie », ont souligné l’institut Veblen et la fondation pour la nature et l’Homme, dans un rapport commun.

Les députés français ont également interrogé la secrétaire générale sur le calendrier de ratification de l’accord commercial avec le Canada. Approuvé par les institutions européennes, le traité de libre-échange doit encore être ratifié par l’ensemble des parlements nationaux des pays de l’Union européenne pour entrer pleinement en application.

Un vote redouté par l’exécutif français, tant le sujet du CETA a soulevé des inquiétudes au sein de la société civile et suscité l’opposition de l’ensemble de la gauche française.

Le gouvernement a décidé de repousser le vote de l’accord initialement prévu avant la fin de l’année 2018 au deuxième semestre de l’année 2019, soit après les élections européennes prévues au mois de mai.

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