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La tragédie du marché

Comment tenir compte de la construction sociale des marchés

Par Isabelle Hillenkamp & Jean-Michel Servet

4 janvier 2017

« Le marché » n’existe pas en dehors des modélisations de la théorie économique standard et de leurs applications idéologiques. Les marchés réels sont très divers, et la coordination qui s’y produit est toujours le fruit d’un contexte politique, social et moral spécifique. Pour émanciper plutôt qu’opprimer, leur organisation effective doit reconnaître cette profonde immersion dans le social et le politique, et y faire une place aux principes de réciprocité, de redistribution et d’autosuffisance à côté de celui de concurrence. C’est ce que montrent Isabelle Hillenkamp et Jean-Michel Servet à travers six objets souvent étudiés en économie du développement : l’endettement, le rôle de la sphère domestique, la micro-finance, les réseaux sociaux, l’évaluation des biens et services, enfin la gestion des ressources en commun.

Un spectre vient régulièrement hanter le monde de la pensée et les sociétés, celui du « marché ». Critiqué et écarté pendant les trois premiers quarts du XXe siècle, ce « marché » tiré de la théorie standard – abstrait, atemporel et autorégulateur – s’est réimposé avec force à partir des années 1980. La chute du Mur de Berlin et la fin de nombreuses dictatures dans les pays dits naguère « du Tiers Monde » avaient pu laisser croire que le marché libérait et était vecteur, voire synonyme, de démocratie. Mis en cause une nouvelle fois par la crise de 2007/08 et l’entrée de l’économie mondiale en récession, il est déjà de retour, souvent présenté comme une idée neuve.

Mais peut-on encore se faire des illusions au sujet du « marché » aujourd’hui, après trente ans d’hégémonie néolibérale et alors que les prétendues solutions à la crise actuelle impliquent de plus en plus de régressions démocratiques face aux exigences d’un nouvel ajustement structurel à destination des pays « développés » ? Si le marché peut émanciper aujourd’hui, ce n’est assurément pas comme principe unique appliqué de façon hégémonique et souvent autoritaire à l’ensemble des sociétés humaines. Il ne peut être émancipateur qu’en étant lié à d’autres principes, eux-mêmes guidés par un horizon démocratique et solidaire.

Téléchargez la note ci-après.

La tragédie du marché

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