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Le CETA bientôt examiné au Sénat ?

Mathilde Dupré, 26 février 2024

D’aucuns l’avaient presque oublié. Le CETA, l’accord controversé de commerce entre l’UE et le Canada, dont le volet commerce est en application provisoire depuis Septembre 2017, n’est toujours pas ratifié en France, comme dans neuf autres Etats membres de l’UE (1). Le projet de loi de ratification adopté en 2019, par l’Assemblée nationale dans le cadre d’une procédure accélérée (par 266 voix contre 213) n’avait jamais été inscrit à l’ordre du jour du Sénat, faute de majorité.

En pleine crise agricole, c’est finalement le groupe communiste, république, citoyen et écologiste – Kanaky (CRCE-K), fortement opposé CETA, qui a décidé d’inscrire le projet de loi de ratification dans sa niche parlementaire du 21 mars 2024. Les Sénateurs avaient plusieurs fois protesté contre ce statut quo d’application provisoire sans date limite.

Six ans après le début de la mise en application provisoire de l’accord, il est possible de dresser un premier bilan qualitatif et quantitatif des effets du CETA. Malgré la communication très positive de la Commission européenne les faits apparaissent plus têtus. Les bénéfices attendus pour la croissance des échanges, les PME ou l’emploi sont loin d’être aussi perceptibles qu’annoncés. Par contre, plusieurs risques sanitaires ou environnementaux identifiés par la Commission Schubert se sont bien matérialisés. Les échanges qui ont le plus augmenté depuis le début de l’application provisoire concernent surtout des secteurs intensifs en émissions de gaz à effet de serre tels que les combustibles fossiles, les engrais, les produits plastiques, les véhicules, les produits chimiques, le fer, l’acier, l’aluminium et le nickel, les transports et le tourisme. Et le Canada a régulièrement utilisé tous les espaces de dialogue et de coopération réglementaire pour essayer de dissuader l’UE de mettre en œuvre (ou ralentir) les réformes nécessaires pour atteindre les objectifs environnementaux annoncés dans le Green Deal européen. (voir le rapport bilan de l’Institut publié en janvier 2024).

En outre, la ratification par la France et les neuf autres derniers Etats membres aurait pour effet concret de déclencher l’application des dispositions du chapitre du CETA sur la protection des investissements - les seules qui ne sont pas encore mises en œuvre dans le cadre de l’application provisoire. Or ces dispositions apparaissent déjà obsolètes, en contradiction avec le Pacte vert européen et la nouvelle approche définie par la France et la Commission européenne dans le cadre du mouvement de retrait du Traité sur la Charte de l’Energie (2).

Notes
(1) Belgique, Bulgarie, Chypre, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Pologne et Slovénie.
(2) Par exemple le chapitre sur l’investissement du CETA prévoit la protection des investissements fossiles et d’autres investissements nocifs pour l’environnement et les droits humains. Et il contient aussi une clause de survie de 20 ans pour tous les investissements protégés en cas de sortie de l’accord.

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