Le traité de libre-échange Canada-Europe contraire à la Constitution ?

Des députés, opposés à la mise en œuvre du Ceta, pourraient saisir le Conseil constitutionnel.

Des députés et des ONG estimque que le Ceta n'est pas conforme à la Constitution française.  
Des députés et des ONG estimque que le Ceta n'est pas conforme à la Constitution française.   (LP/Olivier Boitet)

    L'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada pourra-t-il s'appliquer en France? Pas sûr, selon les experts en droit consultés par un collectif d'associations comme Foodwatch, l'Institut Veblen ou la Fondation Nicolas Hulot. Le Ceta ne serait pas compatible avec la Constitution française.

    Principale pomme de discorde, le règlement des litiges entre les Etats et les entreprises, confié d'abord à des tribunaux d'arbitrage privés, reviendra à une cour de justice permanente. Les juristes consultés estiment que le dispositif introduisant « une inégalité devant la loi entre investisseurs nationaux et investisseurs étrangers ».

    Perte de l'indépendance

    Autre problème pointé par les experts, le Ceta dépouillerait les juridictions nationales de leur compétence au bénéfice du tribunal international qui ne peut être saisi que par les investisseurs étrangers. C'est par ce système décrié qu'en 2012 Philip Morris avait attaqué la décision de l'Australie d'imposer le paquet neutre de tabac, apparu depuis en France. Une fois le Ceta signé, cette mesure phare de la loi Santé pourra-t-elle être attaquée ? C'est ce que redoute l'organisation de défense des consommateurs Foodwatch.

    Enfin, le Ceta ne prévoit rien sur le respect du principe de précaution, pourtant inscrit dans la Constitution française depuis 2005. C'est au nom de ce principe de précaution, par exemple, que la France a mis en place un moratoire sur l'exploitation du pétrole et du gaz de schiste. Déjà, les ONG prophétisent pour l'Hexagone un enfer pavé d'OGM et de produits chimiques. « Ce traité menace ce que nous mettons dans nos assiettes ! tonne Karine Jacquemart, directrice générale de Foodwatch. Et en plus il est inconstitutionnel ? Mais alors, déchirons-le ! »

    Pour barrer la route au futur accord de libre-échange, « il faudrait que le Conseil constitutionnel soit saisi, par le président de la République, le président de l'Assemblée nationale ou du Sénat, ou par 60 parlementaires », explique Mathilde Dupré, chargée de campagne à l'Institut Veblen. Selon nos informations, plusieurs députés sont mobilisés sur le sujet et pourraient bientôt monter au créneau. Outre-Rhin, le Tribunal constitutionnel fédéral a d'ores et déjà été saisi par trois associations avec le soutien de plus de 125 000 citoyens, mais il n'a pas encore rendu sa décision.