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Traité sur la Charte de l’Energie : la France doit tout faire pour stopper la participation de l’UE au traité

Mathilde Dupré, 9 novembre 2022

Malgré l’annonce d’Emmanuel Macron le 21 octobre dernier du retrait de la France du traité sur la Charte de l’Energie, le gouvernement s’apprêterait à laisser l’UE participer à la Conférence des Etats parties du TCE prévue le 22 novembre sans soulever d’objection à l’égard de la modernisation du traité (voir la question posée par Barbara Pompili hier en Commission affaires étrangères à l’Assemblée nationale).

Si les Etats sont libres de sortir individuellement du TCE, à l’instar de l’Italie en 2016, reste la question de la participation de l’UE en tant que telle au traité. Pour l’heure, la Commission européenne fait la sourde oreille aux annonces de sorties de plusieurs Etats membres de poids et semble considérer que l’UE peut rester membre du TCE et soutenir la modernisation de l’accord. Il est plus que temps de la faire sortir du déni. Avec les retraits déjà annoncés de la France, des Pays-Bas, de l’Espagne et de la Pologne, la ratification par l’UE et les Etats membres du TCE modernisé apparait désormais impossible.

C’est pourquoi le Parlement néerlandais a adopté hier une résolution demandant au Gouvernement de ne pas soutenir la modernisation du TCE au Conseil.

« Après les annonces très saluées du président de la République et en pleine COP27, il apparait indispensable de s’assurer de la cohérence, de la clarté et de la fiabilité de la parole de la France » déclare Mathilde Dupré, codirectrice de l’Institut Veblen. « Le Gouvernement doit tout faire pour stopper la participation de l’UE au TCE. Pour cela, il doit rejeter la proposition de la Commission européenne au Conseil de participer à la conférence des Etats parties et de ne pas soulever d’objection à l’adoption du TCE modernisé ».

Pour en savoir plus :

  • Prochaines étapes
    L’adoption formelle de l’accord de principe sur la modernisation du TCE doit avoir lieu le 22 novembre prochain, à l’occasion d’une conférence des Etats parties en Mongolie. L’adoption se fera par « procédure de silence » ce qui signifie qu’en l’absence d’objections, les amendements seront considérés comme adoptés.
    La position de l’UE pour cette conférence doit être validée au Conseil le 14 novembre. Le 3 novembre dernier une nouvelle version d’un document de la Commission européenne ("Proposal for a COUNCIL DECISION on the position to be taken on behalf of the European Union in the 33rd meeting of the Energy Charter Conference") a été diffusée selon laquelle "la position de l’Union doit être de participer au vote et de ne pas soulever d’objection".
  • Position des Etats membres au Conseil
    L’Espagne, la Pologne et la Belgique s’apprêteraient à s’abstenir lors du vote au Conseil mais la France et les Pays-Bas avaient prévu de voter en faveur de la proposition de la Commission européenne.
    Le 8 novembre, une résolution a été adoptée au Parlement néerlandais demandant au Gouvernement de ne pas soutenir la modernisation du TCE au Conseil.
    La raison invoquée par la France pour soutenir la participation de l’UE à la conférence du TCE et son soutien à l’accord de principe est de ne pas faire échouer la modernisation pour les pays tiers qui y sont favorables. Mais un soutien de l’UE aurait précisément l’effet contraire.
    En effet, on sait déjà que l’Union européenne et les Etats Membres ne seront pas en mesure de ratifier le TCE modernisé et par conséquent le seuil de ratification des 3/4 des Etats signataires pour mettre en œuvre le traité modernisé ne sera jamais atteint. C’est pourquoi l’UE devrait a minima s’abstenir de participer à la Conférence pour laisser aux autres États tiers la possibilité d’adopter le TCE modernisé entre eux ultérieurement.
  • Audition du Secrétaire d’Etat Olivier Becht par la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée Nationale, le 08/11
    Question posée par Barbara Pompili
    « Moi je voulais vous interroger sur le TCE. (…) Aujourd’hui nous avons un sujet qui est celui de la position de l’UE par rapport à ce traité. La France, l’Espagne, les Pays Bas, la Pologne ont décidé de sortir de l’accord et donc l’UE aura du mal à rester dans l’accord quoi qu’il advienne. Or aujourd’hui il y a des rumeurs, des documents qui circulent disant que la France pourrait se positionner lors d’un prochain conseil pour que l’UE accepte une modernisation du traité alors même que le haut conseil pour le climat a publié un avis dans lequel il conclut que ce TCE y compris dans une forme modernisée n’est pas compatible avec le rythme de décarbonation du secteur de l’énergie et l’intensité des efforts de réduction d’émissions nécessaires pour le secteur à l’horizon 2030, comme rappelé par l’AIE et évalué par le GIEC. La France doit maintenir une cohérence dans ses propos et ses positionnements. On ne peut pas dire qu’on sort du TCE et d’un autre côté dire "bah écoutez on peut essayer de trouver des moyens que l’UE en le modernisant". Ça ne peut pas marcher. Il y a des raisons évoquées qui ne me paraissent pas sérieuses. Et donc je voulais savoir Monsieur le Ministre si vous pouviez nous en dire plus sur la position qu’aura la France sur le TCE. »
  • Avis du Haut Conseil pour le Climat du 19/10
    « Le Haut conseil pour le climat parvient à la conclusion que le TCE, y compris dans une forme modernisée, n’est pas compatible avec le rythme de décarbonation du secteur de l’énergie et l’intensité des efforts de réduction d’émissions nécessaires pour le secteur à l’horizon 2030, comme rappelé par l’AIE et évalué par le GIEC. »
  • Procédure de sortie
    La sortie d’un Etat doit être notifiée au Secrétariat international du TCE ainsi qu’au Portugal, pays dépositaire du traité et prend effet au bout d’un an.
    Une clause de survie (sunset clause) prévoit néanmoins que les investissements protégés à la date du retrait le restent pendant 20 ans. Pour atténuer fortement les risques juridiques et financiers engendrés par cette clause, il est possible de conclure un accord inter se entre les différents pays qui sortiront du traité pour neutraliser la clause de survie entre eux. (voir le document conjoint de propositions de ClientEarth, IISD et l’Institut Veblen)

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