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Économie

Ceta : le Sénat vote largement contre

Ce jeudi 21 mars, le Sénat a voté contre la ratification de l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne. En vigueur à 95 % depuis 2017, il est déjà possible d’avoir une vision d’ensemble des conséquences du traité sur le marché français. Ceta symbolique ou Ceta problématique ?

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Le vote au Sénat s’annonce plein de rebondissements et pourrait aussi ne pas avoir lieu du tout.
Le vote au Sénat s’annonce plein de rebondissements et pourrait aussi ne pas avoir lieu du tout.
AFP / PHILIPPE LOPEZ
Le vote au Sénat s’annonce plein de rebondissements et pourrait aussi ne pas avoir lieu du tout.
Ceta : le Sénat vote largement contre
Jade Bourgery
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Sept ans après sa validation par le Parlement européen et cinq ans après le vote des députés français en faveur de la ratification, le Ceta a fait son retour au parlement français, côté Sénat cette fois-ci. Inscrit au menu de la niche parlementaire (journée consacrée à un parti) des Communistes, le Sénat a rejeté massivement (211 voix contre 44) ce jeudi le traité de libre-échange controversé entre l’Union européenne et le Canada dans un hémicycle tendu.

« Débat escamoté »

Les débats se sont enflammés jusqu’au bout entre défenseurs et opposants du traité : de multiples rappels au règlement ont accompagné la fin de la séance pour empêcher les prises de parole et faire accélérer le rythme de l’examen, limité dans le temps. Une image rarissime dans une assemblée d’ordinaire apaisée.

Les groupes centriste, macroniste et le groupe des Indépendants à majorité Horizons ont même quitté la salle avant le vote ultime, face à « un débat escamoté », selon le sénateur Claude Malhuret (Horizons). « Tout a été organisé pour un vote contre ! On ne peut même plus parler », s’est insurgé le chef des centristes Hervé Marseille (UDI), en pleine crise ouverte avec la droite, son partenaire historique au Sénat.

Le chef de file des Républicains Bruno Retailleau a lui dénoncé « une volonté d’obstruction manifeste » du camp présidentiel pour empêcher le vote d’avoir lieu dans les quatre heures réservées à la « niche » parlementaire des sénateurs communistes.

L’Accord économique et commercial global, plus connu sous son acronyme anglais, Ceta (Comprehensive Economic and Trade Agreement), est un traité conclu en 2014. Il prévoyait essentiellement trois types de mesures : la diminution du droit de douane, une réduction des réglementations qui freineraient indirectement le commerce et un tribunal spécial pour les entreprises européennes qui investissent au Canada et inversement. Après de longs débats entre chef d’Etats européens et députés, puis une validation en 2017, 95 % des mesures du texte étaient entrées en vigueur.

Le traité va donc être renvoyé aux députés pour un nouveau vote. Si à nouveau le texte est rejeté, le gouvernement devrait alors notifier l’échec de la ratification française au Conseil européen. L’accord serait alors bien mis à mal et l’UE devrait probablement suspendre l’application de toutes les mesures en Europe.

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Le commerce extérieur avec le Canada dopé

Viande bovine sous antibiotiques, maïs transgénique… Le marché canadien avait de quoi inquiéter les ménages français, en plus des agriculteurs qui voyaient là le risque d’une inondation de produits moins chers, étrangers et de mauvaise qualité dans les rayons des supermarchés. Sylvain Bersinger, chef économiste au cabinet Asterès, qui a publié une note le 19 mars sur le Ceta, est de son côté catégorique : « Il n’y a pas eu le tsunami redouté d’importations canadiennes. » Le cabinet d’études et de recherche en économie a calculé l’évolution des échanges commerciaux depuis 2017 des produits provenant de l’agriculture (pêche, viande bovine, légumes etc.). « Les flux commerciaux entre la France et le Canada ont certes augmenté, mais pas plus que l’ensemble du commerce français », peut-on lire.

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« Il était craint une explosion des importations de bœuf canadien, non seulement cette crainte ne s’est pas matérialisée mais, au contraire, les importations de viande canadienne baissent depuis plusieurs années », appuie Sylvain Bersinger. Il aurait fallu, selon l’économiste, que les producteurs canadiens de viandes bovines par exemple, augmentent drastiquement leurs cheptels pour prétendre pouvoir éclabousser le marché français. Alors même que la Chine et les Etats-Unis demeurent les plus friands de viandes canadiennes.

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A l’inverse, les chiffres du Trésor estiment que la France aurait profité de cet accord de libre-échange. Entre 2017 et 2023, l’exportation vers le Canada de plusieurs produits français aurait explosé : les vins et spiritueux (+24 %), le fromage (+60 %), les cosmétiques (+46 %). Une hausse qui se traduit notamment dans les secteurs soumis, avant l’accord, aux droits de douane les plus prononcés. En sus, des économies aussi sur les taxes canadiennes évaluées par l’institution à 55 millions d’euros en 2022. Plus généralement, depuis l’entrée en vigueur du Ceta, le montant des échanges de biens entre les deux pays est passé de 6,2 milliards d’euros à 8,3 milliards en 2022. La France affiche une balance commerciale positive de 296 millions d’euros.

« La progression des échanges avec le Canada semble plus refléter des tendances de fond (inflation qui accroît les montants échangés en valeur et ouverture internationale de l’économie) qu’un impact spécifique du CETA », contrebalance le cabinet Asterès.

Du côté environnemental, l’institut Veblen dresse un bilan particulièrement négatif de six années de Ceta. Dans un rapport de janvier coordonné par Mathilde Dupré, Stéphanie Kpenou et Lola Delfosse, il est estimé que le traité a eu pour effet de « booster les échanges dans des secteurs intensifs en émissions de gaz à effet de serre. » Parmi les dix secteurs d’importations de biens dans l’UE qui ont connu les plus fortes progressions, figurent ceux des engrais, du nickel, des bitumineux, de l’aluminium ou encore des produits chimiques. Déjà en 2017, une commission d’experts faisait état des effets nocifs pour l’environnement du traité de libre-échange.

Que va-t-il se passer ?

Mais quel sera l’impact de cette non-ratification pour le consommateur ? Si l’on prend l’exemple des pièces aéronautique que la France exportait déjà avant le Ceta, l’impact serait moindre explique Sylvain Bersinger : « Le coût final du produit n’augmentera pas malgré le retour des droits de douane. Avec beaucoup d’intermédiaires dans la chaîne de production, chacun peut rogner sur ses marges ou faire appel à d’autres prestataires pour éviter une hausse des prix. » Même s’il tempère sur le reste des biens exportés : « Bien sûr il y aura une augmentation des prix, mais équivalente sur tous. »

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L’impact est peut-être ailleurs. Dans une interview, Fabien Gay, le communiste à l’origine de l’inscription du Ceta à l’agenda du Sénat s’agite : « Soit le gouvernement décide une nouvelle fois de traiter le Parlement comme un paillasson et s’essuie les pieds sur la volonté populaire, soit il prend en compte ce vote, qui sera un vote fort, et décide de renégocier un certain nombre de choses qui vont vers le moins-disant social et environnemental. » Un appel du pied à Emmanuel Macron qui va bien plus loin que l’accord entre l’UE et le Canada. Dans le viseur des sénateurs, d’autres traités de libre-échange comme celui avec le Mercosur. « D’autres accords pourraient être repoussés », conclut Sylvain Bersinger.

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