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XIIIème round du TTIP et désunion de l’UE

Mathilde Dupré, 22 avril 2016

Le treizième round de négociation du TTIP s’ouvrira le 25 avril à New York. En coulisses, les réunions informelles se sont enchaînées depuis le dernier cycle qui s’est tenu fin février à Bruxelles.

Un nouveau round sur fond de désaccord européen ?

Sur le plan politique, la visite de Barack Obama au Royaume Uni puis sa participation à l’ouverture du Salon de l’industrie de Hanovre le 24 avril, devraient permettre de réaffirmer au plus haut niveau la volonté des principaux pays concernés de conclure un accord dans les meilleurs délais.
En marge de cette rencontre, la société civile allemande appelle à une nouvelle mobilisation pour faire entendre son opposition au projet.

La Chancelière allemande ne ménage pas ses efforts pour accélérer et obtenir la conclusion d’un accord, même minimaliste. Elle a publié le 5 avril dernier un communiqué commun avec les dirigeants de l’OCDE, du FMI, de la Banque Mondiale, de l’OIT et de l’OMC dans lequel ils réaffirment ensemble attendre « des progrès significatifs des négociations sur le TTIP en 2016".

Au Royaume Uni, les négociations du TTIP se sont invitées dans la campagne sur le Brexit et alimentent les argumentaires des deux camps.
Aux États-Unis, la vague de contestation de la politique de libre échange menée par les derniers gouvernements sème le doute sur la possibilité de ratifier avant le départ d’Obama, le traité trans-pacifique. Dans ce contexte, la perspective de la conclusion d’un traité transatlantique qui irait plus loin à certains égards s’éloigne alors que les candidats à la présidentielle rivalisent de déclarations contre les deux textes. Au point que même des personnalités comme l’ancien secrétaire d’État au Trésor, Lary Summers, appellent désormais à un changement de paradigme dans la politique commerciale internationale.

Côté français, la confiance du gouvernement quant à la capacité de l’Europe de négocier avec les États-Unis un accord qui répond aux priorités hexagonales semble s’être sérieusement émoussée ; en témoigne la récente intervention télévisée de François Hollande mi avril : "La France, elle a fixé ses conditions, la France elle a dit s’il n’y a pas de réciprocité, s’il n’y a pas de transparence, si pour les agriculteurs il y a un danger, si on n’a pas accès aux marchés publics et si en revanche les États-Unis peuvent avoir accès à tout ce que l’on fait ici, je ne l’accepterai pas".

Ainsi au sein des 28, la tension monte. En Belgique, la Wallonie a annoncé le 13 avril son refus de donner les pleins pouvoirs au gouvernement fédéral pour signer l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne, le CETA. Aux Pays Bas, l’idée d’un référendum sur le TTIP est maintenant à l’ordre du jour. Et des représentants des centaines de collectivités locales mobilisées contre le TTIP, le CETA et le TISA se réunissaient le 21 et le 22 avril à Barcelone.

Où en sont les négociations du TTIP ?

L’objectif annoncé depuis le début l’année 2016 est de consolider le texte d’un accord avant la fin du mandat d’Obama et le cycle électoral qui s’ouvrira immédiatement après en France et en Allemagne. Un rendez-vous a été pris mi-juillet, à l’issue du XIV round pour dresser le bilan des négociations et décider s’il est possible d’entrer dans une phase conclusive. Pour l’instant, sur les 24 chapitres envisagés de l’accord, seuls 10 à 13 seraient en phase de consolidation ; les autres étant à peine ouverts.

Selon le compte-rendu du XIIème round, les discussions sur l’ouverture des marchés pour les biens et en particulier les produits agricoles, semblent désormais suspendues à des tractations finales qui dépendront de l’équilibre qui sera trouvé pour l’ensemble du texte. Les négociations sur les marchés publics ne font elles que commencer à partir des premières offres échangées en mars et qualifiées de "décevantes" par les parties. Les propositions américaines relatives aux chapitres sur le travail, l’environnement et la protection de la propriété intellectuelle seraient étroitement liées aux dispositions incluses dans le traité trans-pacifique et rendraient tout dépassement difficile. Sur les volets délicats de la « coopération réglementaire », le « mécanisme de règlement des différends entre investisseur et États » et la question des indications géographiques protégées il avait été convenu d’intensifier le travail d’ici le round XIII. Parmi les question en suspens, le compte rendu indiquait que les enjeux de circulation des données personnelles et de prise en compte du changement climatique n’avaient pas encore fait l’objet de propositions concrètes de la part de l’Union européenne.

L’ordre du jour du treizième round de négociation n’est pas connu dans le détail et dépend grandement des progrès accomplis au cours des sessions informelles depuis le mois de février, dont on ne sait presque rien. Selon la presse spécialisée, le volet des services et en particulier des services financiers devrait être sur la table. L’Union européenne avait en effet refusé jusqu’à présent de discuter de l’ouverture du marché sans avancée concomitante sur l’ouverture d’un volet de coopération réglementaire en matière financière. Face à la résistance américaine, les observateurs spéculent sur un éventuel recul de la position européenne.

Une ratification imminente du CETA

L’accord entre l’UE et le Canada dont le texte a été finalisé fin février sera très prochainement sur la table du Conseil et du Parlement européens. Mais le flou persiste encore sur le caractère mixte ou non de l’accord - à savoir s’il relève uniquement de la compétence de l’UE ou également de celle des Etats membres - et par conséquent sur le processus de ratification. Cela n’a pas empêché la Ministre canadienne du commerce, Chrystia Freeland d’annoncer qu’elle comptait sur la mise en œuvre du CETA dès le début de l’année 2017. Selon elle, quelle que soit la décision de l’UE sur la consultation ou non des parlements nationaux, 90 % du contenu du texte pourrait entrer en vigueur dès le vote du Parlement européen.
Si l’UE lui donnait raison, l’engagement démocratique pris par Matthias Fekl envers la représentation nationale ne pourrait être tenu. Pour que les parlementaires nationaux aient le dernier mot, encore faut-il les consulter avant la mise en œuvre provisoire du texte. D’autant que certaines dispositions, telles que le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats pourraient rester en vigueur près de trois ans après un éventuel rejet.

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