Rencontre proposée par l’Université du bien commun à Paris.
Inscriptions ici.
Avec Riccardo Petrella – économiste, politologue, ancien commissaire européen à la science et à la technologie, fondateur du groupe de Lisbonne, auteur de nombreux ouvrages dont Le bien commun, éloge de la solidarité (1997), cofondateur des Université du bien commun en Italie, Belgique et Argentine. Dernier ouvrage : Au nom de l’humanité, oser l’audace (éditions Couleur livres, Mons, 2017). Il est président de l’Agora des Habitants de la Terre.
Francine Depras – sociologue, elle est administratrice du RéUniFEDD et de la Société Française de Prospective,(SFdP) et y poursuit ses recherches sur les politiques territoriales et urbaines et de l’enseignement. Ses recherches portent plus particulièrement sur la transition écologique et les transformations sociétales. Elle travaille aussi depuis plusieurs années sur la comptabilité socio-environnementale et est membre de l’association CERCES (Cercle des Experts-Comptables Environnementaux).
Harold Levrel - professeur d’économie écologique à AgroParisTech, Cired, co-auteur avec Antoine Missemer du livre L’économie face à la nature /De la prédation à la coévolution (éditions Les petits matins, 2023). Un livre en partenariat avec l’Institut Veblen pour les réformes économiques.
Combien vaut la forêt d’Amazonie ? Quelle est la valeur marchande de l’incessant labeur de pollinisation accompli par les abeilles… ? Des conservateurs de la nature et des économistes plaident pour donner une valeur aux services rendus par les écosystèmes : eau potable, air de bonne qualité, pollinisation, absorption du CO2 par les forêts et les océans, diversité génétique… -, partant du principe que des ressources gratuites et perçues comme renouvelables à l’infini seront mal protégées.
Si nous n’attribuons pas une valeur et ensuite un prix aux richesses naturelles et aux bénéfices que nous prodigue l’activité écosystémique, il nous sera difficile de les défendre, plaident certains. Cette démarche ne fait pourtant pas l’unanimité. En effet, réduire "les questions environnementales à des fonctions utiles uniquement à l’être humain, avec une vision très partielle, sans comprendre les interactions beaucoup plus larges" n’est pas viable, critique Aurore Lalucq, députée européenne et co-auteure du livre Faut-il donner un prix à la nature. Fixer un prix ou une valeur " [1] ne garantit pas que tout le monde prenne des décisions pour la protéger", reconnait Mary Ruckelshaus, auteure du Natural Capital Project de l’Université de Stanford, qui prône des régulations publiques en la matière.
Avec la raréfaction des ressources naturelles et la disparition désormais inévitable de certaines espèces, la loi de l’offre et de la demande s’applique désormais aux « richesses » naturelles*. Depuis déjà plusieurs décennies, les biens communs naturels mondiaux attisent toutes les convoitises et se voient attribuer un rôle de premier plan sur les marchés financiers grâce aussi aux dispositifs économiques règlementaires destinés à les protéger. De tels dispositifs sont censés servir de bouclier à leur dégradation sans pour autant parvenir à endiguer les agressions répétées dont ils font l’objet.
"Financiariser la nature pour la sauver ?" Un nombre croissant de pays sont actuellement en train de mettre en place une comptabilité durable valorisant en termes monétaires la biodiversité et de nouveaux marchés sur la nature où se négocient des certificats biodiversité. Quels sont les avantages et limites de ces outils d’un point de vue environnemental, social et économique, quel rôle peuvent-ils jouer dans la lutte contre la 6ème extinction de masse des espèces ? » s’interroge Frédéric Hache.
Ce phénomène de financiarisation s’amplifie paradoxalement alors même qu’émerge en même temps, au nom d’une vision holistique du vivant, la conception d’une nature comme sujet de droit et « bien sans maître » depuis ces deux dernières décennies.
Ainsi, des banques et des fonds d’investissements achètent d’immenses zones naturelles riches en espèces animales et végétales menacées. Monétarisées et financiarisées, ces réserves sont ensuite transformées en produits boursiers comme l’eau par exemple devenue une valeur boursière sur les marchés à rente à Chicago en décembre 2021 ; ou alors transformées en monnaie d’échange et de compensation afin que de gros pollueurs puissent s’acheter un droit de polluer.
Pratiques vertueuses ou dérives pernicieuses ?
Il est de plus en plus difficile de fermer les yeux sur les ambivalences de la notion de dette écologique qui est compatible avec le phénomène de monétisation de la nature. En conclusion serons-nous capables de concevoir la planète comme un milieu vital partagé dans le cadre duquel la nature ne peut être réduite à la somme des « services écosystémiques » utilitaires ou récréatifs qu’elle nous dispense ?