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Ceta : ce qu'il faut savoir sur l'accord controversé de libre-échange avec le Canada

Alors que la plupart de ses mesures s'appliquent déjà de façon provisoire depuis sept ans, l'Accord économique et commercial global entre l'Union européenne et le Canada est examiné ce jeudi au Sénat.

L'accord Ceta de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada voit s'opposer farouches opposants et soutiens inconditionnels depuis son application provisoire en 2017.
L'accord Ceta de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada voit s'opposer farouches opposants et soutiens inconditionnels depuis son application provisoire en 2017. (Jean-François Badias/Ap/SIPA)

Par Julien Boitel

Publié le 21 mars 2024 à 12:33Mis à jour le 21 mars 2024 à 13:32

Entre campagne européenne et crise agricole, l'examen ce jeudi au Sénat du traité Ceta de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada donne des sueurs froides au gouvernement. L'accord voit s'opposer farouches opposants et soutiens inconditionnels, sept ans après son application sans ratification française. Un rejet français mettrait en péril la ratification de cet accord décrié.

· Le Ceta, c'est quoi ?

Le Comprehensive Economic and Trade Agreement (Ceta), ou Accord économique et commercial global (AECG), est un traité de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne conclu il y a dix ans, en 2013. Il vise à faciliter les échanges commerciaux entre Bruxelles et Ottawa.

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Il prévoit, entre autres, de réduire ou supprimer la plupart des droits de douane des produits échangés entre l'Union européenne et le Canada ainsi que d'harmoniser les réglementations des deux côtés de l'Atlantique, en faisant sauter certaines mesures protectionnistes. Une autre mesure concerne l'instauration d' un tribunal spécial accessible aux entreprises européennes qui investissent au Canada (et vice versa), censé les inciter à investir.

· Pourquoi en parle-t-on encore ?

Le Sénat examine ce jeudi le projet de loi autorisant la ratification de l'accord . S'il a été signé en octobre 2016 par les exécutifs canadiens et européens, puis provisoirement appliqué depuis 2017, le Ceta n'a jamais été ratifié complètement par la France. En 2019, il avait été validé de justesse à l'Assemblée nationale . Mais le gouvernement n'a jamais saisi le Sénat, une étape pourtant nécessaire dans le processus.

C'était sans compter les sénateurs communistes. Ces derniers ont inscrit dans leur « niche parlementaire » ce projet de loi et imposé son examen ce 21 mars. Ils espèrent ainsi créer « un coup de tonnerre politique », avec l'hypothèse d'une alliance gauche-droite rejetant le traité alors que 95 % de ses mesures sont déjà entrées en vigueur, à commencer par la réduction de droits de douane.

« Depuis 2019, le gouvernement poursuit son déni de démocratie en refusant de l'inscrire ici parce qu'il sait très bien qu'il pourrait se dégager une majorité contre le texte », s'indigne le communiste Fabien Gay.

· Pourquoi est-il autant décrié ?

Les éleveurs français sont vent debout contre la suppression des droits de douane . Ils dénoncent une concurrence déloyale avec des importations, par exemple, de viande à des coûts de revient bien inférieurs aux leurs et avec des méthodes moins strictes que celles auxquelles ils sont soumis.

« A travers le Ceta, on fait entrer des produits issus d'un tout autre modèle sanitaire, qui s'affranchit de toutes les règles », invective le sénateur LR Laurent Duplomb, agriculteur de métier qui compte bien envoyer un « coup de semonce » pour dénoncer la « naïveté coupable » de la Commission européenne.

Les socialistes insistent de leur côté sur le « renoncement aux ambitions environnementales » incarné par cet accord selon leur sénateur Didier Marie. « L'ADN de l'accord est incompatible avec les accords de Paris », affirme Mathilde Dupré, codirectrice de l'institut Veblen et autrice en janvier d'un bilan critique du Ceta. Selon elle, le traité a d'abord permis de dynamiser le commerce sur des produits polluants à l'instar des véhicules et des hydrocarbures.

· Qu'a-t-il changé depuis son application provisoire ?

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Parmi les principaux arguments en faveur du Ceta, le gouvernement argue que le traité a permis d'augmenter de 33 % les exportations françaises vers le Canada entre 2017 et 2023 grâce à la chute des barrières tarifaires. Dans une tribune publiée par Les Echos , plusieurs organisations patronales dont le Medef vantent ainsi les « résultats probants » du traité en sept ans d'application provisoire.

« La progression peut sembler importante, mais elle est assez similaire à l'évolution de l'ensemble du commerce extérieur français », tempère le cabinet Asterès, qui a calculé une hausse de 35 % des exportations et de 42 % des importations françaises totales entre 2016 et 2023.

Parmi les secteurs français ayant le plus profité de ces nouvelles règles pour exporter davantage figurent l'agroalimentaire, les vins et spiritueux et les fromages, rapporte la Direction générale du Trésor, mais aussi les produits pharmaceutiques, sidérurgiques et textiles. Le Canada a surtout exporté depuis sept ans vers l'Europe et la France des matériaux de transports, du pétrole, ainsi que des minerais tels que l'uranium et le lithium, essentiels pour la transition climatique.

· Le Ceta peut-il être remis en question ?

Un refus sénatorial serait loin d'être anodin car il entraînerait un nouvel examen de l'Assemblée nationale, avec là aussi un sérieux risque de rejet. « Le groupe communiste à l'Assemblée est prêt à mettre le texte le 30 mai dans sa niche parlementaire », à dix jours des élections européennes, a indiqué sur LCI le secrétaire national du PCF Fabien Roussel, se félicitant « d'un arc républicain très large pour dire non à ce traité ».

Or, si un Parlement national acte la non-ratification du traité, cela remet en cause son application provisoire à l'échelle de toute l'Europe, à condition néanmoins que le gouvernement français notifie à Bruxelles la décision de son Parlement…

Actuellement, dix Etats membres n'ont pas terminé le processus de ratification et un seul l'a rejeté : Chypre. Mais Nicosie n'a jamais notifié ce rejet, ce qui permet à l'accord de continuer de s'appliquer.

Julien Boitel

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