Le vote sénatorial sur la ratification du Ceta est prévu pour le 21 mars 2024 et les filières en profitent pour redire tout le mal qu’elles pensent de cet accord entre l’Union européenne et le Canada. En vigueur depuis 2017 mais pas encore ratifié par une dizaine de pays européens dont la France, c’est le groupe communiste au Sénat qui l’a propulsé à l’ordre du jour.

Arnaud Gaillot, président des Jeunes Agriculteurs, a dégainé une lettre directement à l’adresse des sénateurs. « Il paraît inconcevable que le Sénat valide un accord auquel tout le monde est fermement opposé et qui ne respecte pas l’engagement pris par le président de la République de s’opposer aux accords de libre-échange sans clause miroir », rappelle-t-il. Il fustige également l’ouverture définitive du marché européen à près de 45 840 tonnes annuelles de viande canadienne supplémentaire « provenant d’animaux élevés dans des feedlots industriels, nourris aux farines animales ou ayant reçu des antibiotiques activateurs de croissance ».

Dans une lettre ouverte, une trentaine d’organisations dont la Confédération paysanne, Greenpeace, l’institut Veblen ou encore la Fédération pour la nature et l’homme ont cosigné un message appelant les sénateurs à ne pas voter pour la ratification. « Les normes négociées entre l’Union européenne et le Canada sont moins restrictives que celles imposées aux agricultrices et agriculteurs français, créant un déséquilibre inacceptable. Le Canada, par exemple, utilise toujours plus de 40 molécules de pesticides interdites dans l’UE », pointent-ils. « La mise en concurrence de systèmes productifs nationaux exerce nécessairement une pression à la baisse sur les prix agricoles et les normes des deux côtés de l’Atlantique », préviennent les cosignataires.

Le gouvernement pour plaider la cause de l’accord

Dans le camp d’en face, le gouvernement s’active. Estimant l’accord globalement positif pour l’Europe en général et la France en particulier, l’exécutif tente de peser dans un débat qu’il aurait préféré éviter. Franck Riester, ministre délégué au Commerce extérieur, a argumenté le 18 mars sur BFM business que les producteurs européens « ont vu leurs exportations bondir depuis la mise en œuvre de cet accord car il y a eu une baisse très forte des tarifs douaniers », notamment sur les produits laitiers. Il juge par ailleurs que le Ceta « est un bon accord ».

Une sortie qui lui a valu une reprise de volée par Interbev, syndicat de la filière de la viande qui lui a répondu ironiquement dès le lendemain. « Entériner un accord qui, je vous le rappelle, prévoit une division par deux du taux de contrôle physique dans les postes d’inspection aux frontières sur les produits animaux et ainsi faire courir un risque sanitaire aux consommateurs, est-ce une bonne décision selon vous ? »

De la « politique politicienne »

Interrogé le 20 mars sur la question par France Info, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a lui aussi défendu la ratification. « Je voudrais juste rappeler qu’on avait beaucoup vilipendé cet accord et que les faits sont têtus et prouvent que cet accord est favorable globalement aux exportations françaises et européennes et particulièrement pour l’agriculture », a-t-il avancé. Sous-entendu, les volumes de viande exportés par le Canada en Europe depuis que l’accord commercial est en vigueur restent faméliques, contrairement aux importants volumes de produits laitiers européens vendus dans l’autre sens.

Pour le ministre, il s’agit d’une affaire politique. « Personne n’est dupe du moment agricole et du moment européen où on essaie d’envoyer des messages ou de faire un peu de politique politicienne. Mais moi je regrette qu’on instrumentalise [le débat] comme ça parce que nous avons besoin d’échanges commerciaux », a-t-il conclu.