Que peut faire la politique de la Banque Centrale Européenne (BCE) pour aider la lutte contre le changement climatique ? Le 15 Mai dernier, cette question était au centre des débats entre les députés de la commission des finances de l’Assemblée Nationale et Benoît Coeuré, membre du directoire de la BCE. A l’occasion d’une rare audition d’un dirigeant de la BCE à l’Assemblée nationale, pas moins de sept députés de tous bords ont posé des questions sur le rôle que la BCE pouvait avoir dans la lutte contre le changement climatique et dans la transition écologique. Certains députés ont d’ailleurs fait référence à l’étude de Positive Money Europe et de l’Institut Veblen publiée en février, faisant état des lourds investissements de la BCE dans des entreprises opérants dans les secteurs les plus polluants.
Devant un l’intérêt manifeste de nombreux député sur la question, M. Coeuré s’est montré, dans son attitude et ses réponses, très ouvert et constructif, en rappelant au préalable que le changement climatique est « inscrit dans les traités [et que] c’est un sujet que la BCE ne peut donc pas ignorer ».
En réponse au député Patrick Hetzel (Les Républicains), M. Cœuré a également reconnu le problème pointé par Positive Money Europe et L’institut Veblen concernant le fait « que les achats de titre d’entreprises qui ont étaient opéré par la BCE ne seraient pas suffisamment respectueuses de l’aspect environnementale », un point que Éric Alauzet (LREM) a réitéré en évoquant le problème d’une « niche anti écologique ».
M. Coeuré a expliqué que la politique actuelle de la BCE étant “neutre” vis-à-vis de la structure du marché, ce qui « conduit [la BCE] a acheter effectivement des titres d’entreprises dont l’empreinte carbone n’est pas bonne.” tout en rappelant que “pour les même raisons [la BCE] détient à peu près 20% de l’ensemble des green bonds qui ont été émis dans la zone euro.”
Verdir la politique monétaire ? Une réflexion en cours à la BCE
Face à ce constat à priori négatif, le député Saïd Ahamada (LREM) a demandé “comment, dans le cadre de la politique monétaire, la BCE pouvait s’impliquer dans la lutte contre le changement climatique ? », tandis que Mme Christine Pires Beaune (Socialiste et apparentés) a suggéré que « les banques centrales peuvent être […] des acteurs majeurs de la lutte contre le changement climatique ».
Sur ce point, M. Cœuré a fait preuve de volontarisme, en rappelant en effet que sous-réserve de l’objectif de stabilité des prix la BCE soutient les politiques de la communauté. Mais surtout, il a affirmé que l’idée de verdir les actions de la politique monétaire était une réflexion en cours au sien de la BCE. “On n’est pas sourd et aveugle à ce débat » a-t-il répété.
Il faut renforcer la légitimité de l’action de la BCE
Cependant, Benoît Cœuré a également rappelé que la lutte contre le dérèglement climatique n’est pas le seul objectif « secondaire » que l’on pourrait légitimement assigner à la BCE. Or, ce n’est pas à la BCE elle-même que de prioriser ses objectifs secondaires. “Etablir des priorités entre des objectifs différents c’est la définition de la politique […] et c’est ce que font les parlements » a-t-il souligné.
Autrement dit, il appartient aux institutions politiques européennes de clarifier les priorités secondaires de la BCE, afin qu’elle ait la pleine légitimité politique à agir sur ce terrain.
Les conditions financière sont déjà propices aux investissements durables
Au terme du débat, M. Coeuré a interpellé les députés et les Etats membres de la zone euro en rappelant que la politique de taux bas pratiqué par la BCE « est une politique qui permet d’investir. C’est une politique qui permet à tous les Etats de la zone euro, à leurs institution publiques, à leurs banques de développement, à la Banque européenne d’investissement (BEI) d’emprunter à des taux très bas à très long terme pour la transition énergétique et pour le changement climatique. Ça c’est grâce à la BCE. On fournit des conditions financières donc ensuite les Etats peuvent disposés et faire ce qui convient à leurs priorités politiques. »
B. Coeuré a même lancé un appel assez explicite visant à soutenir les propositions visant à accélérer les investissements publiques en faveur de la transition énergétique. "Si la priorité politique est le changement climatique, les Etats peuvent décider de demander à la BEI de faire plus dans le domaine climatique. Elle pourra le faire parce que les taux d’intérêt sont zéro et parce que la BCE achète toujours des obligations de la BEI. Donc de manière indirecte à travers la politique monétaire ont créé un environnement qui est très favorable aux investissements de long terme. C’est aux Etats de s’en saisir."
Sur plusieurs points, B. Coeuré fait le même constat que l’Institut Veblen et Positive Money Europe dans leur récente étude “Aligner la politique monétaire sur les objectifs climatiques de l’Union européenne” parue en février 2019.
À juste titre, M. Cœuré a insisté que la politique actuelle de “Quantitative Easing” est une opportunité pour la mise en œuvre de politiques d’investissement publiques plus ambitieuses, notamment en s’appuyant sur les banques publiques telles que la Banque européenne d’investissement, ou la création d’une éventuelle Banque européenne du climat. Mais de telles initiatives sont du ressort des responsables politiques.