Le constat est simple : non seulement les règles commerciales actuelles contribuent au développement d’un modèle économique insoutenable, mais elles constituent aussi un frein à la transition écologique et sociale en réduisant, notamment, les marges de manœuvre des États dans de nombreux domaines.
La réforme de la politique commerciale reste pourtant un sujet assez peu exploré et très difficile à inscrire à l’agenda politique tant le débat est posé en de mauvais termes. Le libre-échange apparaît comme un dogme indépassable et contribue à traiter le commerce comme une fin en soi, peu importent ses effets sur l’ensemble de la société. Dès lors, toutes les propositions alternatives à la politique menée par l’Union européenne qui ne vont pas dans le sens d’un effort accru de libéralisation du commerce sont disqualifiées au nom de la lutte contre le protectionnisme. Le contexte international marqué par la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine tend à rendre les discussions encore plus stériles.
Le défi est pourtant immense pour réformer les règles existantes et mettre véritablement la politique commerciale au service de la transition écologique et sociale dans le temps qui nous est imparti.
- La France a demandé l’arrêt des négociations du TTIP, connu sous le nom de TAFTA, avec les États-Unis, à l’été 2016, sous la pression de la mobilisation citoyenne – sans pour autant refuser la signature du CETA avec le Canada.
- Lors de l’entre deux tours de la présidentielle, Emmanuel Macron, a pris l’engagement de demander une étude d’impact du CETA sur les aspects sanitaires et environnementaux. En réponse à la publication du rapport critique des experts mandatés par le Gouvernement, ce dernier a publié en octobre 2017, un plan d’action pour la mise en œuvre du CETA et la réforme de la politique commerciale.
- Alors que le Ministère de l’environnement n’était pas associé aux négociations commerciales, aujourd’hui la Secrétaire d’État Brune Poirson co-préside le comité de suivi de la politique commerciale qui réunit les parties prenantes françaises et le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire a créé une petite équipe dédiée à ces sujets.
- Pour la première fois, la France a accepté d’être mise en minorité au Conseil sur les questions commerciales et a voté contre la validation de deux nouveaux mandats de négociations avec les États-Unis, en invoquant leur volonté affichée de sortir de l’Accord de Paris sur le climat. Si ce vote peut paraître de portée essentiellement symbolique, faute d’avoir su trouver des États membres alliés dans ce combat, nous espérons qu’il marquera une étape vers une refonte de la doctrine commerciale de la France.
Même si nos efforts ne semblent pas complètement vains, puisque que quelques faits récents témoignent d’une légère inflexion du débat en France, l’heure n’est plus au simple verdissement progressif de tel ou tel chapitre. Les accords de commerce négociés aujourd’hui fixant le cadre des échanges économiques pour les décennies à venir, il est urgent de transformer la politique commerciale de fond en comble : de la manière dont sont négociés les accords jusqu’à leur finalité, en passant par le choix des partenaires et les outils mis en place.
Depuis plus de quatre ans, l’Institut Veblen et la Fondation Nicolas Hulot développent un travail conjoint sur la réforme de la politique commerciale et nous préparons un cahier de propositions à destination des futurs Députés et Commissaires européens. Notre objectif : montrer qu’il est possible et souhaitable de faire de la politique commerciale un levier de la transition écologique et sociale.
Ce document constitue un avant-projet d’une publication qui sortira avant l’été. Nous présentons ici 14 propositions essentielles qui devraient figurer non seulement dans les programmes des différents candidats aux européennes, mais aussi dans la feuille de route de la future Commission européenne.