La Commission Européenne a adopté l’acte délégué abaissant les limites maximales de résidus au seuil de détection, pour les produits fabriqués en UE et les produits importés, relatives à la clothianidine et au thiaméthoxame, dont l’utilisation est interdite en Europe depuis 2018 (sauf sous serre permanente). À l’avenir, un produit contenant des traces de ces substances ne pourra pas accéder au marché européen.
Cet acte délégué donne un signal important puisque pour la première fois, la Commission s’appuie sur le facteur environnemental pour justifier une telle interdiction. Elle met ainsi en œuvre la nouvelle approche définie dans la stratégie Farm to Fork sur ce sujet.
Mais l’acte délégué comporte plusieurs lacunes :
- Uniquement 2 des 4 néonicotinoïdes dont l’utilisation est interdite en Europe sont concernés. En effet, ni l’imidaclopride, ni le thiaclopride ne sont couverts.
- Les matières premières agricoles destinées à la production d’énergie, à la production d’aliments pour animaux ainsi que les denrées alimentaires transformées ne sont pas couvertes par la nouvelle règlementation.
- Rien n’est dit sur les dérogations qui permettent aux États membres d’autoriser sur leur territoire l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de néonicotinoïdes pourtant interdits par la réglementation européenne. Or les États recourent massivement aux dérogations en matière de néonicotinoïdes. Mais sur ce point la donne est en train de changer. En effet, le 19 janvier dernier, la CJUE a jugé que le droit européen ne permettait pas aux États membres d’accorder des dérogations aux néonicotinoïdes vendus sous forme de semences enrobées aux producteurs de betteraves sucrières. À la suite de cet arrêt, la France a renoncé à introduire une dérogation pour l’usage de ces insecticides sur les semences de betterave. L’arrêt de la CJUE ouvre potentiellement la porte à des conséquences plus large, car il pourrait très bien s’appliquer à toutes les substances actives interdites d’usage en UE en raison de leur nocivité pour la santé et l’environnement.
- En outre, la non-détection de néonicotinoïdes interdits dans les produits agricoles ne garantit pas qu’ils n’ont pas été utilisés dans la chaîne de production : ils peuvent simplement se trouver à des concentrations trop faibles pour être détectées, en fonction de la méthode de détection. Si l’abaissement des LMR pour les substances interdites dans l’UE jusqu’à la limite de détection présente des avantages en termes de mise en œuvre et de contrôle, ce n’est peut-être pas la manière la plus appropriée d’introduire des mesures de protection de l’environnement. C’est pourquoi une interdiction totale de l’utilisation de ces substances pour les produits importés pourrait être envisagée pour garantir de meilleurs résultats environnementaux.
- La base juridique de l’acte délégué est le règlement 396/2005 concernant les limites maximales applicables aux résidus de pesticides, dont il modifie les annexes II et V. L’approche adoptée par la Commission consiste donc à utiliser une mesure sanitaire et phytosanitaire pour traiter une question environnementale. Mais cette stratégie pourrait nuire à la solidité du texte en cas de litige éventuel devant l’OMC. Elle pose en effet la double question de la cohérence de la base juridique utilisée et de l’efficacité de la mesure choisie. L’interdiction des traces de clothianidine et de thiaméthoxame dans les produits importés pourrait s’avérer insuffisante au regard des objectifs environnementaux affichés de la mesure.
- Enfin, l’interdiction devrait s’appliquer au mieux le 7 mars 2026.
Ces limites montrent, qu’au-delà des néonicotinoïdes, il est urgent que la Commission définisse un programme de travail, des engagements et un calendrier précis pour enfin mettre en place des mesures miroirs sanitaires ou environnementales sur l’ensemble des pesticides interdits en UE.
Par ailleurs, la légitimité de mesures miroirs appliquées aux pesticides appelle une certaine cohérence. Et tant que l’UE ne mettra pas un terme à la possibilité de produire, stocker et exporter depuis l’Union les substances actives et les pesticides interdits par la réglementation européenne, cette légitimité sera mise à mal.