Les pesticides néonicotinoïdes désignent une famille composée de sept molécules différentes. A la différence d’une majorité de produits classiques utilisés en pulvérisation, ils sont le plus souvent utilisés préventivement en enrobage de semences. Ces insecticides sont dits « systémiques », car la substance toxique circule dans tout le système de la plante. Ils agissent à des doses très faibles sur le système nerveux central des insectes et en particulier des abeilles. Leur effet délétère sur les pollinisateurs fait l’objet d’un consensus scientifique. Et trois d’entre eux (l’imidaclopride, la clothianidine et du thiaméthoxame) ont été progressivement interdits pour toutes les utilisations extérieures au sein de l’UE.
La Commission européenne avait annoncé le 22 juin dernier, l’adoption future d’un règlement concernant deux familles de néonicotinoïdes.
Le projet de règlement publié aujourd’hui par Contexte, prévoit l’interdiction de l’importation de produits contenant des traces de thiaméthoxame et de clothianidine. Techniquement, cela signifie que la Commission propose pour ces deux substances un abaissement au seuil de détection des limites maximales de résidus.
Pour la première fois, la Commission s’appuie sur le facteur environnemental, et non plus uniquement sur le critère sanitaire, pour justifier une telle interdiction. Pour la Commission, limiter la protection des pollinisateurs au seul territoire de l’Union serait une solution « insuffisante pour renverser le déclin mondial de la population des pollinisateurs et ses effets sur la biodiversité, la production agricole et la sécurité alimentaire ».
Le projet de règlement constitue ainsi une première initiative de déclinaison opérationnelle de la nouvelle approche définie dans la stratégie Farm to Fork sur ce sujet. Mais il comporte malheureusement déjà plusieurs lacunes majeures :
- Pour commencer, il ne concerne que deux des trois familles de néonicotinoïdes interdites par la réglementation européenne. Ainsi, rien ne change pour les produits contenant des traces d’imidaclopride qui continueront à être importés en UE.
- Ensuite, le texte est silencieux sur les dérogations qui permettent aux États membres d’autoriser sur leur territoire l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de néonicotinoïdes pourtant interdits par la réglementation européenne. La France fait usage de cette dérogation pour les semences de betteraves sucrières. Ainsi, l’utilisation de semences traitées avec de l’imidaclopride ou du thiaméthoxame est possible jusqu’au 1er juillet 2023. Ces utilisations sont autorisées pour des durées renouvelables ne dépassant pas 120 jours.
- Par ailleurs, la proposition de règlement prévoit qu’il sera toujours possible d’introduire des demandes de tolérance à l’importation pour la clothianidine et le thiaméthoxame, ce qui pourra donc conduire la Commission à relever les limites maximales de résidus pour ces substances.
- Pour finir, l’interdiction concernant les importations de ces substances ne sera effective que…36 mois après l’entrée en vigueur du texte, c’est-à-dire au mieux, à la fin de l’année 2026. En effet, selon Contexte, le projet de règlement a été transmis à l’OMC qui fait état d’un calendrier prévisionnel pour l’adoption du texte au second trimestre 2023.
Autant de points sur lesquels il convient de travailler pour renforcer la portée effective du texte, conformément aux objectifs environnementaux annoncés.