Emmanuel Macron a annoncé le 21 octobre, en marge du sommet du Conseil européen, la sortie de la France du Traité sur la Charte de l’Energie (TCE) qui fait obstacle à la transition énergétique. Cette annonce intervient après celles de l’Espagne, de la Pologne et des Pays Bas en raison de l’incompatibilité de ce traité avec les engagements climatiques européens et internationaux, déjà soulignée par le récent rapport du GIEC.
Ce traité plurilatéral hérité des années 90 offre en effet la possibilité aux investisseurs du secteur énergétique de déclencher des poursuites auprès de tribunaux privés d’arbitrage contre des Etats quand ces derniers prennent des mesures qui nuisent à leurs intérêts. Ces litiges ont pour effet de retarder, d’affaiblir et de renchérir l’action climatique.
Après 15 rounds de négociations, un « accord de principe » avait été annoncé en juin dernier sur la modernisation du Traité sur la Charte de l’Energie. Mais les modifications envisagées restent insuffisantes pour aligner ce traité datant des années 90 avec l’Accord de Paris sur le climat et les nouveaux standards promus par l’UE en matière de protection des investissements.
Sollicité par des députés français, le Haut Conseil pour le Climat a publié le 19 octobre un avis dans lequel il conclut que "le TCE, même sous une forme modernisée, n’est pas compatible avec les engagements et objectifs climatiques 2030 de la France et de l’Union européenne."
C’est pourquoi le HCC recommande une sortie de l’accord : "Un retrait coordonné du TCE par la France et l’Union européenne, couplé à une neutralisation de sa "clause de survie", apparaît comme l’option la moins risquée pour le respect des engagements climatiques nationaux, européens et internationaux. Un tel retrait permettrait également de sensibiliser l’ensemble des autres signataires et de limiter l’extension géographique du TCE à de nouvelles parties qui seraient exposées aux mêmes risques d’incompatibilité entre les dispositions du traité et la poursuite de leurs objectifs climatiques."
Cette décision française est le fruit du travail mené par l’Institut Veblen depuis plus de trois ans et d’une très large campagne européenne à laquelle nous avons activement contribué et qui a mobilisé des centaines d’organisations de la société civile, des parlementaires européens et nationaux, des citoyens, des experts climatiques, des investisseurs, des entreprises du secteur des énergies renouvelables, des jeunes engagés pour le climat. L’Institut a également accompagné cinq jeunes victimes climatiques qui ont porté plainte devant la CEDH contre douze Etats pour leur participation au TCE.
Mais ce chantier n’est pas terminé. La Commission européenne pousse en faveur d’une adoption du TCE modernisé et plusieurs Etats Membres de l’UE, dont l’Allemagne, doivent encore faire connaitre leur position, en amont d’une conférence des Etats signataires du TCE qui doit se réunir le 22 novembre prochain en Mongolie. C’est pourquoi nous restons très actifs pour que ces annonces françaises prennent vite forme et pour obtenir un retrait coordonné des Etats membres de l’UE et si possible d’autres pays tiers signataires. Cela permettrait en particulier de neutraliser entre l’ensemble des pays sortants la clause de survie qui prévoit que les investissements protégés existants le restent pendant une période de 20 ans.