La politique commerciale menée par l’Union européenne et ses principaux partenaires traverse une crise de légitimité sans précédent. Les différents projets de « méga-accords commerciaux » (projets de partenariats trans-pacifique et transatlantique, accord plurilatéral sur les services, etc.) ont suscité un regain de mobilisations citoyennes. Suite à la suspension des négociations du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (Transatlantic trade and investment partnership, TTIP) en août 2016, c’est l’accord de commerce et d’investissement avec le Canada, le Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA), qui a cristallisé les mécontentements au sein de l’Union européenne.
Dans la société civile, de multiples voix se sont levées pour alerter sur les dangers de cet accord sur le plan social, économique, environnemental et démocratique. Au delà des ONG et des syndicats, des associations de consommateurs ou de PME, des fédérations d’agriculteurs ou l’association européenne des magistrats ont pris part à ce mouvement. En octobre 2016, la fronde des parlementaires wallons a presque empêché la tenue du sommet organisé pour sa signature. En France, une Commission d’experts, nommée par le gouvernement, a confirmé en septembre les risques sanitaires et environnementaux liés à cet accord. Et Emmanuel Macron, pourtant très favorable à cette négociation, a déclaré lors de son discours à la Sorbonne sur l’Europe : « J’entends les ambitions portées par certains, mais je leur dis : « Attention, je suis prêt à vous suivre, mais à condition que cette politique commerciale soit profondément renouvelée, profondément changée. Je ne veux pas de nouvelles discussions commerciales avec les règles d’hier, qui nous ont conduits à ces situations absurdes que nous avons aujourd’hui sur l’accord entre l’Europe et le Canada ».
S’il n’y a en apparence plus grand monde pour défendre le CETA comme l’accord exemplaire qu’il était censé incarner, ce dernier est toutefois entré en application provisoire le 21 septembre. Il doit encore être ratifié par tous les États membres pour une application complète et définitive, au terme d’un processus qui peut durer de longs mois et dont l’issue reste incertaine.
Comment la politique commerciale européenne a t-elle pu en arriver là ? Quelles sont les impasses dans lesquelles elle se trouve aujourd’hui enfermée ? Et comment en sortir ?
La réponse politique apportée par l’Union européenne d’ici les prochains mois sera cruciale pour éviter la confiscation du débat par les partisans d’un repli protectionniste égoïste, d’un mercantilisme primaire ou d’une désintégration de l’UE. Mais pour l’heure, peu de dirigeants européens semblent avoir pris la mesure de cette crise. Face aux contestations, d’aucuns considèrent que la seule réponse valide est de poursuivre la politique actuelle et de continuer à négocier de nouveaux accords sur le modèle du CETA. L’administration de la DG Trade est d’ailleurs actuellement engagée dans la conduite d’une longue série de négociations dans la même veine avec plus d’une vingtaine de partenaires et la promotion d’une cour multilatérale sur l’investissement. Dans son dernier discours sur l’État de l’Union, Jean Claude Juncker a annoncé l’ouverture prochaine de nouvelles négociations avec l’Australie et la Nouvelle Zélande, sans compter le futur accord commercial qui sera négocié avec le Royaume Uni dans le cadre du Brexit.
Lire la suite dans L’économie politique, n°077, intitulé "La mondialisation sans boussole" - 01/2018