Mettre fin à la dichotomie des normes sanitaires et environnementales qui s’appliquent aux produits consommés dans l’UE (selon leur origine UE/non UE) est un objectif affirmé par la Commission européenne dans la stratégie Farm to Fork et par le Parlement européen dans le cadre des travaux de réforme de la Politique agricole commune en 2020. Le sujet a aussi été politiquement porté par la Présidence française de l’UE au premier semestre 2021.
Mais les avancées tardent à se concrétiser, notamment dans le domaine des pesticides. Des dizaines de substances sont interdites dans l’UE en raison des dangers qu’elles comportent pour la santé des producteurs ou des consommateurs ou pour l’environnement et en particulier les pollinisateurs. Pourtant les produits importés continuent de pouvoir être traités avec ces substances, à condition de ne pas dépasser certaines limites de résidus.
L’UE a adopté en février 2023 pour la première fois une mesure miroir pour des motifs environnementaux. Le règlement en question interdit d’ici 2026 l’importation de produits contenant des traces de deux néonicotinoïdes interdits dans l’UE, le thiaméthoxame et la clothianidine, en raison de leur toxicité notamment sur les pollinisateurs.
Dans un nouveau rapport, l’Institut Veblen et la Fondation pour la Nature et l’Homme examinent la portée et la solidité juridique de cette première mesure miroir environnementale (la version française est une synthèse réalisée à partir du rapport "Environmental mirror measures : need and technical feasibility. A pesticides case study. Proposals for the operational implementation of environmental mirror measures", publié par l’Institut Veblen et la FNH, conjointement avec le Bureau européen de l’environnement).
Au-delà de la surprise de ne voir que 2 des 4 néonicotinoïdes interdits dans l’UE couverts par ce nouveau règlement, l’étude montre qu’une approche plus ambitieuse pourrait s’avérer plus robuste juridiquement (du point de vue de la conformité avec les règles de l’OMC) et surtout plus efficace pour protéger l’environnement. La protection de l’environnement suppose de ne pas interdire seulement les résidus mais l’usage complet de ces substances au cours de la production de ces biens agricoles, qu’ils soient destinés à l’alimentation humaine, animale ou à des usages énergétiques. Un examen approfondi des dispositifs en place dans le domaine de l’élevage ou de l’agriculture biologique, en matière de traçabilité et de contrôle, tend à conforter cette approche.
La lenteur de l’action européenne est d’autant plus regrettable qu’elle se montre très active pour négocier et ratifier des accords de commerce qui encouragent à la fois les exportations européennes de pesticides interdits en UE vers les pays tiers et les importations de denrées agricoles traités avec ces produits, à l’instar du projet d’accord UE Mercosur.
C’est pourquoi nos organisations recommandent en priorité de :
- baisser les LMR au seuil de détection pour les néonicotinoïdes interdits ou non approuvés, et pour l’ensemble des pesticides extrêmement dangereux, en étendant les contrôles à l’ensemble des productions agricoles (cultures destinées à l’alimentation animale, aux usages énergétiques ou ornementaux)
- Développer une approche d’interdiction totale pour les pesticides les plus dangereux. Concernant la faisabilité technique d’une telle interdiction, l’UE pourrait s’inspirer, des mécanismes de contrôle et de traçabilité qu’elle met déjà en œuvre concernant l’interdiction des hormones de croissance dans les produits animaux importés ou encore en matière de produits issus de l’agriculture biologique.
Pour être aussi en cohérence vis-à-vis des règles de l’OMC, la Commission européenne devrait également mettre fin aux doubles standards existants en interdisant :
- la fabrication, le stockage, le transport et l’exportation des substances interdites par l’UE ;
- les dérogations accordées par les États membres pour ces substances interdites, en privilégiant les incitations à l’adoption de pratiques agricoles plus durables.