Malgré la promesse d’une mise oeuvre « exemplaire » du CETA, 3 mois après le compte n’y est pas et les accords du même type se multiplient (1). La Fondation pour la Nature et l’Homme, foodwatch et l’Institut Veblen déplorent un décalage flagrant entre les discours et les actes du gouvernement.
Le 25 octobre 2017, ce dernier avait pourtant promis "un avant et un après" CETA, publiant un plan d’action de 65 mesures “pour une mise en œuvre exemplaire du CETA, une exigence renforcée sur les enjeux environnementaux et sanitaires, et une ambition nouvelle de la politique commerciale européenne”.
Mais, en dépit des engagements répétés de la part du Président de la République de conclure des accords commerciaux négociés de manières transparente qui "respectent nos standards communs, climatiques, sanitaires, fiscaux, sociaux"(2) , ceux-ci ne se concrétisent pas. Dans l’opacité la plus totale, ce sont de nombreux autres accords bilatéraux du même type qui pourraient ainsi voir le jour très prochainement.
Pour rester crédible, le gouvernement doit refuser tout nouvel accord qui ne remplit pas les exigences minimales développées dans son plan d’action :
Le secret reste la règle dans les négociations commerciales
Si la Commission promeut désormais la transparence des mandats pour les négociations à venir (Chili, Australie, Nouvelle Zélande), elle ne s’engage toujours pas à publier l’ensemble des offres qu’elle soumet et encore moins les documents consolidés de négociation.
Pour les accords en cours de finalisation, tels que ceux avec le Mercosur ou le Mexique, les mandats de négociation ne sont toujours pas publics et le contenu des accords reste secret. La société civile doit ainsi toujours compter sur des leaks, tels que celui organisé par Greenpeace sur l’accord Mercosur, début décembre 2017, pour être en capacité d’analyser une partie de leur contenu (3). Cette opacité prive les citoyens et les parlementaires de la possibilité de suivre les négociations et de contrôler le contenu des accords.
Ce déficit de contrôle démocratique devait même s’aggraver car si les Etats membres ne s’opposent pas aux manœuvres de la Commission, le CETA pourrait bien être le dernier accord de commerce soumis à l’examen des parlementaires nationaux. En effet, suite à l’avis rendu par la CJUE sur l’accord UE/ Singapour, la Commission a proposé de séparer le volet investissement du volet commercial dans les accords. C’est déjà le cas dans le JEFTA, finalisé en décembre. Et les accords avec Singapour et le Vietnam pourraient également être redécoupés afin d’éviter de devoir consulter les parlements nationaux sur l’ensemble du texte.
Aucun progrès réel en matière de prise en compte effective des enjeux climatiques
Les premiers accords finalisés (ou en passe de l’être) suite à la publication du plan d’action français ne témoignent d’aucun progrès réel en matière de prise en compte effective des enjeux climatiques. Si l’accord de Paris est désormais cité, sa mise en oeuvre concrète et son respect ne sont toujours pas des conditions indispensables pour l’octroi et le maintien de nouveaux avantages commerciaux. Les chapitres développement durable, dans lesquels ils sont mentionnés, ne sont toujours pas contraignants. Et le veto climatique annoncé, destiné à protéger les politiques publiques climatiques face au risque de plainte d’investisseurs étrangers dans le cadre du mécanisme de règlement des différends n’en est pas vraiment un.
L’agriculture : une simple monnaie d’échange et un modèle en complète contradiction avec le développement d’une transition agro-écologique du modèle français
La Commission européenne continuer de traiter l’agriculture comme une monnaie d’échange parmi d’autres dans les négociations. Ainsi, elle promeut un modèle ubuesque dans lequel les européens consommeraient de la viande de boeuf venant du Canada (60 000 t/an) ou du Mercosur (100 000 t/an), produite dans des conditions sociales et environnementales désastreuses (utilisation de farines animales, d’antibiotiques comme activateurs de croissances, absence de règles sur le bien être animale, déforestation au Brésil…) et les éleveurs européens exporteraient davantage vers le Japon via le JEFTA, la Chine ou encore la Turquie. Une telle vision entre en complète contradiction avec le développement d’une transition agro-écologique du modèle agricole français. Bruxelles compte enfin obtenir très prochainement un mandat de la part des Etats membres pour ouvrir des discussions avec l’Australie et la Nouvelle Zélande, dont les modèles agricoles intensifs pourraient déstabiliser encore le marché européen.
Notes :
(1) Agenda de la politique UE 2018 :
L’annonce d’un accord politique avec le Mercosur (Brésil, Argentine Uruguay et Paraguay) avec qui les négociations ont démarré il y a plus de vingt ans, serait imminente.
Trois accords de commerce pourraient être signés dans les prochaines semaines. Il s’agit des accords UE/Singapour et UE/Vietnam dont les négociations sont closes depuis septembre 2013 et janvier 2016 et de l’accord UE/Japon, le JEFTA, finalisé en décembre 2017 et en cours de relecture juridique.
D’ici l’été, la Commission espère aussi parvenir à un accord avec le Mexique. Et elle poursuit ses discussions avec de nombreux autres pays, notamment de l’ASEAN (Indonésie, Philippines, etc.).
Bruxelles compte enfin obtenir très prochainement un mandat de la part des Etats membres pour ouvrir des discussions avec l’Australie et la Nouvelle Zélande et pour une cour multilatérale d’investissement.
(2) Discours d’Emmanuel Macron à Davos prononcé le 24 janvier 2018