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Retrait de la plainte sur le Traité sur la Charte de l’Energie à la CEDH

Mathilde Dupré, 23 juillet 2024

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En juin 2022, cinq jeunes, victimes de catastrophes climatiques, ont déposé une plainte devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) contre 12 États européens (Autriche, Belgique, Chypre, Danemark, France, Allemagne, Grèce, Luxembourg, Pays-Bas, Suède, Suisse et Royaume-Uni) pour avoir permis au Traité sur la Charte de l’énergie (TCE) d’entraver leur sortie des combustibles fossiles. La plainte, qui n’a pas encore été examinée par la CEDH, a déjà eu un impact considérable en mettant en lumière les effets néfastes du TCE et la mobilisation contre celui-ci, incitant les décideurs à agir. Dix pays (dont cinq - France, Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas et Royaume-Uni - visés par la plainte) ont officiellement notifié leur retrait du TCE et d’autres ont annoncé leur intention de se retirer. À la lumière des progrès accomplis, les plaignants ont décidé de retirer leur plainte. Néanmoins, ils se réservent le droit d’engager de nouvelles actions en justice contre les États qui ne se retirent pas du TCE ou d’autres traités de protection des investissements nuisibles au climat.

À propos de la plainte

En juin 2022, cinq jeunes, victimes de catastrophes climatiques ont déposé une plainte devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) contre 12 États européens pour avoir permis à un traité très controversé d’entraver leur transition énergétique et leur sortie des combustibles fossiles1. Le traité, connu sous le nom de Traité sur la Charte de l’énergie (TCE), qui protège les investissements étrangers dans les combustibles fossiles par le biais de l’arbitrage privé, est largement considéré, y compris par le GIEC, comme un obstacle majeur à l’action climatique, menaçant l’avenir des générations futures2.
La plainte était basée sur une interprétation ambitieuse de la Convention européenne des droits de l’Homme, consacrant une obligation positive pour les États de lutter contre le changement climatique. Cette interprétation a été validée par la Cour européenne des droits de l’Homme dans sa récente décision sur le cas des grands-mères suisses, le premier litige climatique3. En substance, cette décision est très positive car la CEDH établit un lien direct entre les droits de l’Homme et le changement climatique.

Où en sommes-nous ?

Cette plainte n’a pas encore été examinée par la CEDH. Cependant, elle a déjà eu un impact tangible en mettant en lumière les impacts néfastes du TCE et la mobilisation contre celui-ci, incitant les décideurs à agir. Ce fut notamment le cas des parlementaires français qui ont saisi le Haut Conseil pour le Climat, lequel a conclu que le TCE, même dans sa version modernisée, est incompatible avec les engagements climatiques de l’UE et de la France. Grâce à cette action et à toutes les autres initiatives de la campagne contre le TCE4, de nombreuses victoires ont déjà été remportées.

  • Dix pays ont officiellement notifié leur retrait du TCE (France, Allemagne, Pologne, Luxembourg, Slovénie, Portugal, Espagne, Royaume-Uni, Pays-Bas et l’UE).
  • D’autres ont annoncé leur intention de le faire (notamment le Danemark et l’Irlande).
  • La Suisse, qui reste favorable à la modernisation, a indiqué en novembre 2023 qu’elle pourrait envisager de se retirer si de nombreux États quittent le TCE.

En conséquence, le traité est très affaibli. Et nous avons de bonnes raisons d’espérer que de nouveaux retraits se produiront rapidement, en particulier pour les pays restants de l’UE, et d’ici la fin de l’année à la conférence annuelle du Traité sur la Charte de l’énergie qui doit se prononcer sur l’approbation de la modernisation.

Est-ce terminé ?

Les risques de litiges climatiques n’ont pas pour autant complètement disparu, comme en témoignent les nombreux cas initiés depuis 20225. C’est pourquoi d’autres mesures complémentaires doivent être prises :

  • S’assurer que tous les États membres restants de l’UE (Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Estonie, Finlande, Grèce, Lettonie, Lituanie, Malte, République Tchèque, Roumanie, Slovaquie, Hongrie, Irlande et Suède) mais aussi la Suisse, la Norvège ainsi que tous les autres, se retirent du TCE.
  • Demander aux États qui se retirent de neutraliser entre eux la clause de survie (qui protège les investissements existants pour une période de 20 ans après la date de retrait). Les États européens ont annoncé un accord entre eux le 26 juin6, mais sa robustesse reste à tester, et il ne résout pas le problème au-delà de l’UE ; avec le Royaume-Uni par exemple.
  • Demander à tous les pays de réviser leurs politiques de protection des investissements pour s’abstenir de conclure de nouveaux accords et de sortir des accords existants qui entravent l’action climatique.

Notes :
1 www.exitect.org
Les plaignants ont été exposés à des catastrophes naturelles liées au changement climatique telles que des inondations, des vagues de chaleur, des incendies et des tempêtes.
2 Le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (ISDS) inclus dans le Traité sur la Charte de l’énergie (TCE) a été identifié dans le rapport récent du GIEC comme « pouvant être utilisé par les entreprises de combustibles fossiles pour bloquer la législation nationale visant à éliminer progressivement l’utilisation de leurs actifs ». https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/
3 9 Avril 2024, Verein KlimaSeniorinnen Schweiz et autre c Suisse - 53600/20
4 www.endfossilprotection.org
5 Parmi les cas connus liés aux combustibles fossiles, on trouve : Azienda Elettrica Ticinese c. Allemagne, 2023 ; Klesch c. Danemark, Allemagne et UE, 2023 ; Lansdowne Oil & Gas c. Irlande, 2023 ; Towra c. Slovénie, 2022 ; Ascent Resources c. Slovénie, 2022 ; Clara Petroleum Ltd c. Roumanie, 2022. Voir Investment Dispute Settlement Navigator | UNCTAD Investment Policy Hub
6 https://diplomatie.belgium.be/en/ne...

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