Les effets de l’application partielle et provisoire de l’Accord économique et commercial global (AECG, ou CETA en anglais) entre l’UE et le Canada sont à nouveau en discussion, à l’occasion du 19e sommet UE-Canada se tient à St John’s, au Canada, le 23 et 24 novembre. Charles Michel, président du Conseil européen, et Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, y représentent l’UE.
En parallèle, le Parlement européen examine aussi le sujet. La Commission du commerce international votera le 28 novembre sur le projet de rapport de Javier Moreno Sanchez (un eurodéputé espagnol du groupe des sociaux démocrates) qui vise à exhorter tous les États membres de l’UE à ratifier le CETA afin de déclencher l’application définitive de l’accord.
Pour mémoire, cet accord de commerce entre le Canada et l’Union européenne, signé officiellement lors du sommet Canada-UE d’octobre 2016, est appliqué provisoirement depuis le 21 septembre 2017, soit depuis plus de six ans. Mais des dispositions importantes, notamment en matière de protection des investissements, ne sont pas appliquées, tous les États membres n’ayant pas ratifié l’accord.
Etat des lieux des ratifications nationales
En décembre 2022, 17 États membres avaient achevé le processus de ratification interne : Allemagne, Autriche, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, République tchèque, Roumanie, Slovaquie et Suède. (Le Royaume-Uni, qui a quitté l’UE, a également ratifié le CETA alors qu’il était encore un État membre).
Cela signifie donc que 10 Etats membres (la Belgique, la Bulgarie, Chypre, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Italie, la Pologne et la Slovénie) n’ont pas ratifié le CETA.
En juillet 2020, la Chambre des représentants de Chypre a même rejeté la ratification du CETA, mais l’UE n’a pas été officiellement informée du vote. Le gouvernement chypriote a l’intention de soumettre à nouveau le CETA au parlement à une date ultérieure.
En novembre 2022, la Cour suprême irlandaise a elle statué, dans une affaire portée par un parlementaire national, que l’accord n’est pas en l’état constitutionnel et compatible avec le droit national. En conséquence, la ratification parlementaire présuppose des modifications de la loi sur l’arbitrage du pays.
En France, en 2019, l’Assemblée nationale a voté en faveur de la loi de ratification du CETA, par 266 voix contre 213, dans le cadre d’une procédure accélérée. Cependant, le texte n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour du Sénat, faute de majorité.
Dispositions déjà obsolètes du traité
Le projet de rapport du parlement européen ne mentionne pas les dispositions du CETA qui n’apparaissent déjà plus en phase avec la nouvelle approche européenne en matière de politique commerciale et d’investissement.
- Le chapitre du CETA sur la protection des investissements n’est en effet pas du tout conforme aux nouvelles exigences posées par le Parlement européen, suite à la modernisation du traité sur la Charte de l’énergie (rapport INI du 23/06/2023). Ainsi, les investissements dans les combustibles fossiles ne sont pas exclus du champ des investissements qui bénéficient d’une protection juridique (paragraphe 21). Les clauses substantielles contiennent toujours des termes ambigus (paragraphe 30) et la protection offerte est toujours soumise à une clause de survie particulièrement longue (paragraphe 31).
- Le chapitre commerce et développement durable n’est pas non plus en ligne avec les engagements de la Commission européenne de juin 2022. Et surtout, l’UE a rejeté les propositions concrètes avancées par le Canada en 2020 pour donner une portée plus contraignante à certaines dispositions de ce chapitre.
Evaluation économique des retombées de l’accord
Six ans après le début de la mise en application provisoire de l’accord, il apparait important de faire un premier bilan qualitatif et quantitatif des effets de l’AECG. Peu de rapports ou d’évaluations ont été publiés à ce jour, et le projet de rapport du parlement européen apparait bien incomplet.
La Commission européenne a rédigé des fiches d’information en septembre 2022, à l’occasion des 5 ans de l’application provisoire. Mais ces documents présentent les informations sous un jour très positif, même quand les faits disent le contraire. Elles dépeignent l’accord comme très vert alors même qu’il a eu pour effet de booster les échanges dans le domaine des énergies fossiles ou des engrais notamment. C’est pourquoi, nous nous sommes livrés à un petit exercice de fact-checking.