Plus de 630 organisations de 90 pays différents alertent sur les risques accrus de plaintes de la part d’investisseurs contre les Etats dans le sillage de la crise du Covid-19. Face à la pandémie, certains gouvernements ont pris des mesures pour sauver des vies, endiguer la propagation du virus, protéger les emplois, lutter contre les catastrophes économiques et veiller à la satisfaction des besoins fondamentaux des populations. Déjà, des bureaux d’avocats démarchent des investisseurs privés pour les encourager à poursuivre les pouvoirs publics devant la justice parallèle de l’arbitrage d’investissement afin de réclamer des dizaines ou des centaines de millions d’euros d’indemnités. Dans une lettre ouverte, les 630 organisations signataires appellent les gouvernements à prendre d’urgence des mesures pour mettre fin à cette menace.
En raison de la portée très étendue des dispositifs de règlements des différends entre investisseurs et États (ISDS en anglais – RDIE en français), de nombreuses mesures que les pouvoirs publics ont pris face à la pandémie de Covid-19 pourraient être l’objet de poursuites par les investisseurs étrangers. Ainsi, les restrictions d’activités des entreprises afin de limiter la propagation du virus, la mobilisation de certains établissements hospitaliers privés, les injonctions à produire tel ou tel bien médical d’urgence, le report ou l’annulation de paiements de loyers ou de prêts immobiliers pour les ménages, les interdictions de rachat d’entreprises par des investisseurs étrangers, les dispositions pour garantir l’accès à l’eau potable ou aux médicaments etc. pourraient être concernées.
Déjà, des bureaux d’avocats (par exemple Shoosmiths, Alston & Bird, ReedSmith) démarchent des investisseurs privés pour les inviter à poursuivre les pouvoirs publics afin de réclamer des dizaines ou centaines de millions d’euros d’indemnités. Cette justice parallèle, dont les dispositifs sont inclus sous diverses formes dans de nombreux accords de commerce et d’investissement (dont le CETA), permet en effet aux investisseurs étrangers – et uniquement eux – de poursuivre les gouvernements devant des tribunaux spécialisés, en dehors du système juridique national, pour obtenir des compensations financières dont les montants atteignent souvent des sommes considérables.
En raison de l’expérience passée et de l’analyse détaillée de ces cas de poursuites, en nombre croissant, envers les pouvoirs publics, les organisations signataires de cette lettre ouverte appellent les gouvernements à prendre immédiatement et de toute urgence les mesures suivantes, avant même que les premières poursuites ne se concrétisent :
- restreindre de façon permanente l’utilisation de ces mécanismes ;
- suspendre tous les litiges en cours pour que les pouvoirs publics se concentrent sur la pandémie de COVID-19 ;
- veiller à ce que des fonds publics ne soient pas gaspillés pour indemniser les entreprises privées ;
- cesser de négocier, signer et/ou ratifier tout nouvel accord prévoyant de tels mécanismes ;
- mettre fin aux accords existants qui prévoient ces dispositifs de justice parallèle
Nos recommandations sur la mise en oeuvre effective de ces propositions sont détaillées en annexe du courrier.