Selon POLITICO Europe, la France aurait déclaré ce lundi que la Commission européenne avait cessé de négocier l’accord commercial avec les pays du Mercosur à sa demande.
Invoquant le contexte de mobilisation du monde agricole et de crise du système alimentaire, le Gouvernement aurait fait valoir qu’il serait impossible de conclure les négociations dans ce contexte.
Bruxelles aurait ordonné de mettre fin aux sessions de négociations en cours au Brésil et à l’organisation d’une visite politique du Commissaire au commerce.
Pour l’Institut Veblen qui se mobilise depuis des années (1) contre la ratification de cet accord archaïque et incompatibles avec les objectifs du Pacte Vert européen, cet arrêt des négociation - s’il était officiellement confirmé - serait une excellente nouvelle (2). En remisant le projet d’accord de commerce entre l’UE et les pays du Mercosur, il deviendrait enfin possible d’envisager de nouvelles formes de partenariat fondées sur la mise en œuvre des engagements environnementaux et de la promotion des droits humains dans les deux régions.
Mais rien n’est moins sûr car de son côté, la Commission européenne indique que des grandes questions restent à régler mais que des discussions continuent au niveau technique. D’autant qu’un accord politique viendrait d’être obtenu sur le volet de la libéralisation des marchés publics.
Tandis qu’à Brasilia, les diplomatiques rétorquent que les négociations ne sont pas menées avec la France mais avec l’Union et qu’ils s’attendent à ce qu’elles continuent dans les semaines à venir.
Notes :
(1) L’Institut Veblen a publié trois rapports sur le projet d’accord de commerce :
– Un accord perdant-perdant. Analyse préliminaire de l’accord de commerce entre l’UE et le Mercosur avec la FNH, en 2019
– UE-Mercosur : les dangers d’une ratification de l’accord de commerce en l’état, avec la FNH et Interbev en Mars 2023
– Pesticides néonicotinoïdes : comment donner de l’ambition aux mesures miroirs européennes ? (avec une étude de cas sur l’accord UE Mercosur), avec EEB et la FNH, en Juin 2023
L’Institut Veblen avait saisi avec d’autres organisations la médiatrice de l’UE au sujet des défaillances de l’étude d’impact sur le développement durable de l’accord UE Mercosur. En Mars 2021, la Médiatrice a conclu - au terme d’une enquête - à un cas de mauvaise administration.
L’Institut Veblen a été auditionné en 2019 par la Commission d’experts mandatés par le Gouvernement pour examiner les impacts sanitaires et environnementaux de l’accord UE Mercosur et qui a rendu ses conclusions en septembre 2020.
L’Institut Veblen a travaillé avec des parlementaires européens et français pour essayer de suivre les négociations au plus près. De nombreuses questions au Gouvernement et à la Commission ont été posées, un amendement contre la ratification de l’accord en l’état avait été adopté par le Parlement européen en octobre 2021 et deux résolutions ont été votées en 2023 et 2024 à l’Assemblée Nationale et au Sénat en France.
(2) La France avait posé en 2019 trois lignes rouges très claires pour une éventuelle ratification de l’Accord UE/Mercosur :
- Que les politiques publiques des pays du Mercosur soient conformes avec leurs engagements au titre de l’accord de Paris ;
- Que l’accord n’entraîne pas une augmentation de la déforestation importée au sein de l’UE ;
- Que les produits agricoles et agroalimentaires importés bénéficiant d’un accès préférentiel au marché de l’UE respectent les normes sanitaires et environnementales de l’UE.
Mais depuis quelques mois, nous avions observé une réécriture de ces trois conditions, avec un certain affaiblissement. Ainsi, lors de son audition à l’Assemblée Nationale le 21 juin dernier, la Secrétaire d’État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux a en effet listé les conditions suivantes, confirmées ensuite par le Ministre du commerce :
- que l’accord de Paris devienne un élément essentiel de l’accord de commerce
- que l’accord soit aligné avec la nouvelle approche de la Commission sur les chapitres développement durable (possibilité de mettre des sanctions en cas de non respect)
- qu’un programme de travail ambitieux en matière de mesures miroirs soit mis sur pied dans l’UE en parallèle de la ratification de l’accord.
Ce glissement laissait craindre un recul de la position du gouvernement français.