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Ratification de l’accord entre l’UE et la Nouvelle-Zélande : un non-sens climatique et environnemental

Mathilde Dupré & Stéphanie Kpenou, 20 novembre 2023

Négocié par la Commission européenne pendant 4 ans, l’Accord de libre échange entre l’UE et la Nouvelle-Zélande a été signé le 9 juillet 2023. Il a été présenté le 24 octobre dernier à la Commission du commerce international du Parlement européen qui a donné son feu vert. Il revient maintenant au Parlement européen réuni en plénière de se prononcer sur sa ratification le 21 novembre.

Cet accord qui vise à accroître le commerce de biens et services entre deux régions éloignées de plus de 20 000 km est une véritable aberration climatique et environnementale dénoncée par plusieurs dizaines d’ONG européennes. L’Accord facilitera l’entrée sur le marché européen de plusieurs milliers de tonnes de produits agricoles (produits laitiers, viandes bovines et ovines) venant de l’autre bout du monde. En outre, cette libéralisation ne s’accompagne d’aucune exigence en matière de respect des normes de production agricoles européennes. Ainsi, alors que l’atrazine est interdite en Europe depuis 2003, elle est toujours utilisée par les agriculteurs et éleveurs néo-zélandais. Et l’Accord ne contient aucune clause posant comme condition préalable l’interdiction de l’utilisation de l’atrazine dans les produits exportés vers l’Europe. Si l’accord contient bien une clause de conditionnalité tarifaire réservant l’accès au contingent bilatéral de viande bovine au respect d’un critère de durabilité excluant les bovins élevés en parcs d’engraissement (feedlots), cette clause est inopérante dans le contexte néo-zélandais en l’absence de finition des bovins en feedlots.

Cet accord commercial est sans cesse présenté par la Commission européenne comme étant le plus progressiste en matière de durabilité. Et elle souhaite qu’il serve de modèle pour les futurs accords commerciaux. L’accord intègre en effet certaines des améliorations du réexamen de la politique commerciale de l’UE de 2021 et de la nouvelle stratégie européenne en matière d’accords commerciaux de 2022. Il reste que la possibilité pour une partie de prendre des sanctions commerciales en raison d’une violation de l’Accord de Paris en tant qu’élément essentiel n’est envisagée qu’en dernier ressort. De même, les faits constitutifs d’une violation de l’accord de Paris ne sont pas précisés.

L’absence de réelle évolution du logiciel européen en matière de politique commerciale est rendue d’autant plus visible, qu’en parallèle, la Nouvelle Zélande développe une approche bien plus ambitieuse avec d’autres partenaires. Elle négocie depuis 2019 avec le Costa Rica, les Fidji, l’Islande et la Norvège un Accord sur le changement climatique, le commerce et la durabilité (ACCTS) dans lequel la partie libéralisation des échanges est restreinte aux biens et services environnementaux (sur la base de la nation la plus favorisée) - dont la définition reste bien sûr un exercice périlleux. En parallèle, ces Etats s’engagent sur la réduction progressive de leurs subventions aux combustibles fossiles et la promotion de programmes et de mécanismes volontaires d’éco-étiquetage.

Pour toutes ces raisons, et malgré les évolutions du chapitre développement durable, cet accord ne doit en aucun être ratifié !

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